Appropriation et affordances des artefacts numériques dans le contexte spécifique de l’enseignement en RDC

Plan de l'article

 

Auteur

Tshimpaka Bodumbu Jean-Christophe

TSHIMPAKA BODUMBU Jean-Christophe

Docteur en sciences de l’éducation et de la formation
 

Complexe scolaire Notre Dame du Sacré Coeur
H8H4+XV3, Kinshasa
République démocratique du Congo
 

 

Citer l'article

Tshimpaka Bodumbu, J.-C. (2024). Appropriation et affordances des artefacts numériques dans le contexte spécifique de l’enseignement en RDC. Revue Intelligibilité du numérique, 6|2024. [En ligne]

 

 

Résumé : Cet article explore les dynamiques d’appropriation et les affordances socioculturelles des artefacts numériques dans le contexte éducatif de la République Démocratique du Congo (RDC). L’étude repose sur une méthodologie qualitative et analyse les pratiques de 25 enseignants d’un établissement scolaire à Kisenso, Kinshasa. Les résultats montrent que les enseignants, confrontés à des infrastructures limitées et des contraintes socio-économiques, s’approprient progressivement les artefacts numériques pour pallier le manque de ressources pédagogiques et améliorer leurs pratiques professionnelles. L’appropriation se manifeste par des phases distinctes (adoption, transformation et routinisation) et par une interaction constante entre les caractéristiques pédagogiques, technologiques, psychologiques et sociales. De plus, les artefacts numériques offrent des affordances professionnelles, sociales et culturelles, favorisant l’innovation pédagogique, la reconnaissance sociale des enseignants et la solidarité au sein de la communauté éducative. Cette recherche met en lumière l’impact des artefacts numériques comme agents de transformation dans un environnement éducatif contraignant.

Mots-clés : appropriation, artefacts numériques, affordance socioculturelle, enseignement, République Démocratique du Congo.

 

Title : Appropriation and affordances of digital artifacts in the specific context of education in the DRC

Abstract : This article examines the dynamics of appropriation and sociocultural affordances of digital artifacts in the educational context of the Democratic Republic of Congo (DRC). The study employs a qualitative methodology to analyze the practices of 25 teachers from a school in Kisenso, Kinshasa. The findings reveal that teachers, faced with limited infrastructure and socio-economic constraints, gradually appropriate digital artifacts to address the scarcity of educational resources and enhance their professional practices. Appropriation occurs in distinct phases (adoption, transformation, and routinization) and is shaped by pedagogical, technological, psychological, and social dimensions. Moreover, digital artifacts offer professional, social, and cultural affordances, fostering pedagogical innovation, social recognition of teachers, and solidarity within the educational community. This research highlights the transformative impact of digital artifacts as agents of change in a challenging educational environment.

Keywords : Appropriation, digital artifacts, sociocultural affordance, education, Democratic Republic of Congo.

 

Introduction 

Il semble qu’étudier l’appropriation d’artefacts numériques implique de prendre en compte les possibilités qu’offrent ces artefacts en termes de transformation de l’environnement socioculturel (Tshimpaka Bodumbu, 2022). Cette articulation peut être abordée sous l’angle de l’affordance (Gibson, 1986 ; Norman, 1988 ; Cooper, 2007 ; Morgagni, 2011), dans sa dimension socioculturelle (Morgagni, 2011 ; Simonian et al., 2016 ; Simonian, 2022), puisque l’affordance serait une manière de mettre en évidence les possibilités d’action que fournissent les artefacts numériques au sein de l’environnement éducatif mais aussi au niveau social.

De manière générale, il est admis que les artefacts numériques sont considérés comme des instruments culturels (Vygotski, 1934 ; Simondon, 1958 ; Rabardel, 1995b ; Albero, 2010a,b) à partir du moment où ils s’inscrivent dans un usage (Hussenot, 2006 ; 2009 ; Jouët, 2000 ; Proulx et al., 2007 ;  Simonian et al., 2016). Dans cette perspective, l’appropriation est une manière d’analyser des usages tenant compte des spécificités de l’environnement et des situations auxquelles sont confrontées les usagers. Dans le contexte particulier de l’enseignement en République Démocratique du Congo (RDC), un tel positionnement suscite deux interrogations : quelles dynamiques d’appropriation des artefacts numériques peuvent être identifiées chez les enseignants congolais ? Quelles sont les potentialités perçues par ces artefacts en termes d’environnement éducatif et, plus largement, socioculturel ?

Accès aux artefacts numériques

En RDC, les artefacts numériques semblent offrir des informations pour pallier l’obsolescence ou la rareté des ressources pédagogiques « traditionnelles », favoriser le déploiement d’un réseau d’entraide entre collègues et la possibilité de répondre à la demande des familles souhaitant que leurs enfants apprennent à utiliser les artefacts numériques (Peraya, 1999 ; Depover et al., 2008). La revue de la littérature scientifique montre aussi que les conditions dans lesquelles travaillent les enseignants en RDC ne leur permettent pas un accès facile aux artefacts numériques (Kupelesa, 2006 ; Brandt, 2014 ; Thibeault, 2014). En effet, l’enseignant congolais est victime des délestages (coupures d’électricité très régulièrement) et des coupures intempestives d’Internet (Tshimpaka Bodumbu, 2022).  De plus, très souvent, il ne bénéficie pas d’infrastructures numériques au sein de son établissement. Pour consulter l’Internet, l’enseignant doit se rendre dans un cybercafé ou partager la connexion d’un autre utilisateur. La plupart des enseignants accède aux contenus numériques grâce à la téléphonie mobile (via Internet) et aux logiciels non payants (Par exemple, les logiciels « transversaux » : Encarta et Encyclopédie Universalis et les logiciels « spécifiques » : Excel, Publisher) (Tchameni Ngamo, 2007 ; Djeumeni-Tchamabe, 2010). Mais, l’accès à l’Internet demeure exorbitant, comparativement aux revenus très modestes des enseignants. Rappelons également que la formation est quasi-inexistante de l’enseignant à l’usage pédagogique des artefacts numériques (Tshimpaka Bodumbu, 2022). 

Les éléments les plus visibles du « fossé » numérique caractérisant l’enseignant congolais se traduit par « une combinaison de facteurs socio-économiques plus vastes, en particulier l’insuffisance des infrastructures, le coût élevé de l’accès, le manque de création locale de contenus et la capacité inégale de tirer parti, aux niveaux économique et social, d’activités à forte intensité d’information » (Elie, 2001, p. 32). À cela, s’ajoutent le coût souvent élevé des équipements, la faible connectivité, le faible soubassement technique (disponibilité du réseau et absence de plate-forme) pour supporter l’installation des infrastructures numériques. Pourtant, au vu de l’engouement pour l’usage de l’Internet dans les « cybercafés » ou à domicile et pour les téléphones cellulaires mobiles, il existerait plus de raisons d’espérer que de désespérer (Tchameni Ngamo, 2007).

Fondements théoriques

Afin d’identifier et analyser les dynamiques d’appropriation et les potentialités qu’offrent les artefacts numériques dans le contexte spécifique de l’enseignement en RDC, nous présenterons succinctement trois acceptions :  environnement numérique,  appropriation et affordance socioculturelle.

Environnement numérique

Selon le Programme de recherche sur les Inégalités Éducatives (INEDUC, 2018), l’environnement numérique désigne l’ensemble des matériels assurant les différentes fonctions technologiques. En sciences de l’éducation et de la formation, de nombreux auteurs appréhendent cet environnement selon une approche anthropocentrée fondée sur le développement humain et son émancipation (Linard, 1989 ; Rabardel, 1995 ; Albero, 2010a ; Pierrat, 2012 ; Simonian, 2020 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022). L’environnement numérique comporte un espace structuré qui regroupe les artefacts numériques tels que les logiciels, les moteurs de recherches, l’espace numérique de travail, le bureau virtuel ou encore les espaces web. Ils permettent aux acteurs d’accéder aux ressources numériques (Albero, 2010a ; Pierrat, 2012). Mais l’environnement numérique n’est pas détaché de l’environnement socioculturel, il en est un composant. Il s’inscrirait donc dans un ensemble technique et humain lui agissant sur ce qu’il permet de faire (Linard, 1989 ; Hutchins, 1995 ; Albero, 2010a ; Pierrat, 2012 ; Simonian, 2020 ; Simonian, 2022). Une telle acception de l’environnement permet de comprendre que certaines propriétés des artefacts numériques peuvent produire ou non des transformations en fonction de l’environnement dans lequel il se situe.

Appropriation

Le concept d’appropriation est mobilisé pour comprendre la manière dont les individus et les organisations interagissent avec les artefacts numériques (Jouët, 2000 ; Surman et Reilly, 2003 ; Lohento, 2004 ; Olsson, 2006 ; Phillippi et Peña, 2010). Dans le secteur éducatif et formatif, ce concept est mobilisé pour comprendre la manière dont les enseignants intègrent les artefacts numériques dans les situations d’enseignement-apprentissage (Laffey, 2004 ; Lund, 2009 ; Coen et Schumacher, 2006). En Afrique, il est mobilisé pour étudier la manière dont les Africains empruntent diverses traditions pour proposer de nouvelles options culturelles (van Binsbergen, 2004 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022), c’est-à-dire, en « domestiquant » les artefacts numériques (Smith, 2018). L’appropriation serait ici synonyme d’internalisation d’un objet venu de l’extérieur (Rogoff, 1995). De ce point de vue, l’appropriation laisse supposer que le sujet « s’arrache à sa condition première et cherche à se hisser à des sphères jusque-là hors d’atteinte » Chaumier (2010, p. 21). Ainsi, l’appropriation sera vue comme un processus composé de trois pôles : intégration au monde propre, au corps propre et à la culture propre de l’acteur (Poizat, 2014).

En s’appropriant les artefacts numériques à des fins pédagogiques, les enseignants engagent leur perception, leurs croyances et leurs valeurs. Ils façonnent ces artefacts et sont, en même temps, façonnés par eux. À travers un processus actif, l’appropriation constitue l’enracinement de la nouveauté en soi et dans le milieu culturel (Hountondji, 2002 ; Toure, 2009 ; 2020). Lors de ce processus d’appropriation, l’artefact est mis au service d’objectifs bien contextualisés (Jouët, 2000 ; Hountondji, 2002 ; Toure, 2020).

Le processus de genèse instrumentale met justement en évidence le couplage structurel sujet/numérique comme une relation récurrente et récursive, de sorte qu’à chaque instant, l’organisation de l’acteur est transformée par le flux de leur couplage (Rabardel, 1995a ; Depover et Strebelle, 1996 ; 1997 ; Proulx, 2001a ; Coen et Schumacher, 2006 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022). Cette hypothèse a une conséquence importante lorsqu’il s’agit de problématiser les dynamiques d’appropriation (Coen et Schumacher, 2006 ; Poizat et al., 2013 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022) : en tant qu’êtres vivants, les humains sont des systèmes dotés des capacités de se construire eux-mêmes. Cette perspective met en avant la conception de l’appropriation comme une transformation de l’usage de l’artefact numérique, une transformation des individus, de leur environnement, de leur identité, et de leurs pratiques.

Plusieurs modèles sont évoqués pour analyser les dynamiques d’appropriation des artefacts numériques. Citons entre autres les modèles de Depover et Strebelle (1997), Guir (2002), Coen et Schumacher (2006) ainsi que Lameul et ses collaborateurs (2011). Le modèle de Depover et Strebelle (1997) différencie trois phases d’appropriation : l’adoption, l’implantation et la routinisation. Guir (2002) décline un modèle d’appropriation en trois phases : le démarrage, l’adaptation  et la transformation. Lameul et ses collaborateurs (2011) ont, quant à eux, proposé aussi un modèle d’appropriation qui met en évidence le processus d’« instrumentation ». Leur modèle se décline en six étapes (démarrage, adoption, adaptation, implantation, transformation, routinisation). Selon ces auteurs, ce modèle est réducteur dans son aspect artificiellement linéaire. Cependant, son principal intérêt consiste à offrir des jalons en termes d’appropriation et surtout de préciser que cette dernière est tributaire à la fois de l’instrumentation et de l’instrumentalisation des artefacts numériques disponibles dans l’environnement des enseignants.

Plus largement, tous les cadres d’analyse susmentionnés ont en commun la « transformation » du sujet et de son environnement. L’hypothèse privilégiée est donc que l’appropriation se repère lorsqu’une transformation du sujet est effective. En revanche, les recherches sur l’appropriation mobilisent peu de variables environnementales au sens large. Le modèle de Coen et Schumacher (2006) revêt comme intérêt d’analyser l’appropriation comme un couplage structurel (sujet/numérique) à partir de quatre dimensions : technologique, psychologique, sociale et pédagogique. Ce qui est aussi intéressant dans ce modèle concernent les indicateurs proposés qui permettent de se focaliser sur le sujet dans ses différents rapports à l’environnement.

Le modèle de Coen et Schumacher (2006) permet d’analyser l’appropriation en prenant en considération des contraintes propres aux artefacts numériques et les possibilités d’action qu’ils offrent. En d’autres termes, ce modèle semble permettre d’étudier différents couplages structurels comme constitutifs des dynamiques d’appropriation à partir de quatre caractéristiques : pédagogique, technologique, psychologique et sociale. Chacune de ces caractéristiques étant une manière de s’approprier une partie de l’environnement extérieur au sujet en mobilisant un artefact numérique, sachant que ces deux entités (sujet et artefact) sont présentes au sein de ce même environnement.

Les dynamiques de l’appropriation sont analysées en prenant en considération les caractéristiques suivantes : pédagogiques, technologiques, psychologiques et sociales. Pour chacune de ces caractéristiques, le modèle d’appropriation de Coen et Schumacher (2006) indique trois phases : adoption, implantation et routinisation :

  • Adoption se rapportant à une décision de changer ses pratiques par conviction personnelle ou sous une pression externe.
  • Implantation correspondant à la mise en exécution, sur le terrain, de la volonté affirmée lors de la phase d’adoption. Cela consiste à s’engager dans un processus conduisant à une modification des pratiques éducatives. Naturellement, cette phase se traduit par des modifications perceptibles au niveau des pratiques éducatives mais aussi de l’environnement dans lequel ces pratiques prennent place.
  • Routinisation se caractérisant par le fait que le recours aux artefacts numériques s’opère sur une base régulière et intégrée aux activités scolaires habituelles. Ce recours n’exige pas une intervention externe de la part d’une équipe de recherche ou d’animation pédagogique.

Coen et Schumacher (2006) envisagent l’appropriation des artefacts numériques dans une dynamique de transformation (Fièvez, 2017). Celle-ci concerne la modification des pratiques éducatives, mais aussi de l’environnement dans lequel ces pratiques prennent place (Karsenti et al., 2001 ; Coen et Schumacher, 2006 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022). De ce fait, leur modèle constitue un apport intéressant pour comprendre la manière dont les enseignants agissent avec et par les artefacts numériques pour transformer leurs pratiques, tout en tenant compte des potentialités de ces artefacts et des spécificités de leur environnement (Badillo, 2008 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022).

Affordance socioculturelle

Le concept d’affordance part du principe qu’à travers leurs actions, les êtres vivants participent à transformer leur environnement (Gibson, 1979 ; Heft, 2022). Plus spécifiquement, pour Kavanagh et ses collaborateurs (2016), les affordances (de l’anglais affordance, du verbe to afford « permettre ») peuvent être considérées comme des propriétés perçues de l’environnement en vue d’une action. Ces propriétés seraient interdépendantes de la manière dont un être vivant peut agir dans un contexte donné en fonction de ce qu’il considère comme un possible bénéfice ou danger. Ainsi, les affordances sont conjointement déterminées par les propriétés d’un objet et par des processus sensoriels et, pour les humains, des processus sémiotiques (OQLF-GDT, 1995 ; Reed, 1988 ; Niveleau, 2006 ; Morgagni, 2011 ; Simonian, 2022). De ce fait, l’affordance se traduit en termes des possibilités d’action que fournit l’environnement et quitte une orientation comportementale pour étudier les processus de signification dans ce qui relie sujet-objet-environnement (Norman, 1988 ; Morgagni, 2011 ; Heft, 2022 ; Simonian, 2022).

Pour Norman (1988), l’affordance est une inférence construite par un sujet à partir de ses connaissances sur l’environnement socioculturel dans lequel il agit. D’autres recherches corroborent cette hypothèse selon laquelle l’affordance comporte une dimension socioculturelle en fonction des propriétés et possibilités d’action repérées par un individu dans un environnement bien déterminé (Simonian et al., 2016 ; Simonian, 2019a, 2019b ; 2020 ; 2022), l’objet étant un médiateur de la relation sujet-environnement. De ce point de vue, l’affordance socioculturelle permet de comprendre les raisons qui guident la perception et le choix d’accepter ou non un objet en fonction de ses valeurs, besoins, cultures, et capacités (Niveleau, 2006 ; Kaufmann et Clément, 2007 ; Morgagni, 2011 ; Simonian, 2022). Dans cette perspective, l’affordance peut être comprise comme un double mouvement interdépendant : la capacité dont dispose un sujet de percevoir les potentialités d’un artefact numérique et les transformations susceptibles de produire suite à la mobilisation de cet artefact numériques dans son environnement socioprofessionnel (Norman, 1988 ; Morgagni, 2011 ; Simonian, 2022). Ainsi, l’affordance socioculturelle semble une approche intéressante pour analyser la perception des offres artéfactuelles dans un environnement contextualisé.

Problématique

Les processus d’appropriation d’un artefact numérique semblent liés aux potentialités perçues par des sujets pour répondre à des besoins spécifiques qui constituent sa relation à son environnement socioculturel, jusqu’à percevoir le recours à cet artefact pour transformer son environnement.  

Le modèle de Coen et Schumacher (2006), mobilisé dans cette étude, s’intéresse à différentes dimensions des dynamiques d’appropriation, à partir de quatre caractéristiques (pédagogique, technologique, psychologique et sociale) et trois phases (adoption, implantation, routinisation). Pour le sujet qui s’approprie un artefact numérique, chacune de ces caractéristiques serait une manière d’agir sur une partie de son environnement socioculturel.

 

Figure 1 : couplage appropriation et affordance socioculturelle

Transformations du sujet et de l’environnement

(Coen et Schumacher, 2006 ; Lameul et al., 2014 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022)

 

 

Appropriation

 

Couplage structurel (sujet-numérique)

(Coen et Schumacher, 2006 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022)

 

Affordance socioculturelle

 

 Couplage sujet-objet-environnement

(Gibson, 1977 ; Morgagni, 2011 ; Simonian, 2022)

 

 

 

La figure 1 ci-dessus articule le processus d’appropriation et d’affordance socioculturelle. Cette articulation permet de comprendre que le rapport qu’entretient un sujet avec un artefact numérique est influencé par les possibilités d’action qu’il offre et les transformations qui se produisent. Notre positionnement s’explique par le rôle central que tient le sujet : il est capable d’adopter un artefact numérique et d’adapter son usage en fonction de ses besoins (appropriation), mais aussi capable de percevoir les possibilités qu’offre cet artefact pour transformer son environnement contextualisé (affordance socioculturelle). De ce point de vue, une hypothèse serait que les processus d’appropriation dépendraient des potentialités perçues en termes de transformation de son environnement socioculturel. 

Méthodologie

Approche qualitative et compréhensive 

Notre étude se focalise sur les dynamiques d’appropriation des artefacts numériques et les potentialités qu’ils offrent pour transformer les pratiques et l’environnement socioprofessionnel dans le contexte particulier de l’enseignement en RDC. Une telle orientation conduit à choisir une « méthodologie compréhensive » qui vise à renseigner et documenter ce qui caractériserait le rapport à l’environnement dans une visée d’appropriation.  

Outils de recueil des données : questionnaire (support papier)

Suite à une enquête exploratoire préalable conduite de manière ethnographique (Tshimpaka Bodumbu, 2022), nous avons construit un questionnaire (support papier). Pour collecter les données, le protocole se présente de la manière suivante : nous avons rencontré chaque enseignant volontaire dans leur établissement afin d’expliquer l’objet de la recherche, les objectifs attendus et la méthode utilisée pour recueillir les données, à l’aide de questionnaires (support papier). Les questionnaires ont été distribués et les modalités de remise ont été définies (les enseignants avaient trois semaines pour répondre au questionnaire. Celui-ci nous est revenu par l’intermédiaire des chefs d’établissements et/ou du conseiller pédagogique qui ont été sollicités).

Le questionnaire a été structuré en trois catégories :

  • sociodémographique : âge, ancienneté professionnelle, matières enseignées
  • appropriation pour les positionner dans un niveau en fonction de chacune des phases (cf. Coen et Schumacher, 2006) comprenant les types d’artefacts numériques mobilisés, les activités pédagogiques dans lesquelles ces artefacts sont mobilisés, connaissance et maîtrise d’utilisation des artefacts numériques mobilisés.
  • affordance socioculturelle pour connaitre leur perception envers les artefacts mobilisés et les changements opérés.

Analyse

L’analyse des données vise à mieux comprendre les dynamiques d’appropriation des artefacts numériques et les potentialités qu’ils offrent pour les pratiques et l’environnement socioprofessionnel des enseignants (Savoie-Zajc, 2011; Thomas, 2013).

Caractéristiques sociodémographiques des participants

Notre étude a porté sur 25 enseignants exerçant leurs activités au Complexe Scolaire Notre Dame du Sacré-Cœur (CSNDSC). Un établissement scolaire hors-contrat (privé) appartenant à la Congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur. Le CSNDSC est situé à la commune de « Kisenso », une périphérie urbano-rurale de la ville Kinshasa.  L’ancrage disciplinaire des enseignants est divers et représentatif des enseignements du secondaire en RDC.

Tableau 1 : disciplines représentées par les enseignants

 

Enseignants

Effectifs

Total

Matières scientifiques

Informatique

3

 

11

Mathématiques

4

Physique

2

Comptabilité

2

Matières linguistiques

Français

4

 

8

Anglais

2

Latin

2

Matières culturelles

Philosophie

1

 

6

Education civique et morale

2

Histoire-Géographie

2

Education physique et sportive

1

Total des enseignants participants

25

25

 

Les enseignants ont entre 25 et 40 ans avec des expériences professionnelles variant entre 5 et 10 ans. Parmi eux, 2 (f=0,08) sont des femmes et 23 (f=0,92) des hommes. N’ayant pas de données fiables à notre disposition, excepté celles fournies par l’établissement, il est difficile d’affirmer si ce déséquilibre est représentatif de la population enseignante en RDC.

Dynamiques d’appropriation des artefacts numériques

L’un des objectifs de cette recherche consiste à identifier les dynamiques d’appropriation, leurs phases et leurs indicateurs chez les enseignants concernés, en s’appuyant sur le modèle de Coen et Schumacher (2006). En référence à ce modèle mobilisé, l’étude concerne les trois phases d’appropriation selon ces auteurs : adoption, implantation et routinisation. Comme nous le verrons, une quatrième phase, appelée « transformation », se situant entre la phase d’implantation et de routinisation, semble caractériser une partie des enseignants concernés. 

Pour analyser les dynamiques d’appropriation, deux étapes semblent nécessaires : identifier les artefacts numériques mobilisés et situer les enseignants dans les phases d’appropriation en fonction des caractéristiques psychologiques, sociales, pédagogiques et technologiques. 

Les artefacts numériques mobilisés

L’analyse des résultats a permis d’identifier quatre types d’artefacts numériques mobilisés par les enseignants : le moteur de recherche « Google » comme principal artefact mobilisé (25 soit f=1) ; les logiciels « transversaux » (5 soit f=0,20), logiciels « spécifiques » et les artefacts de communication comme artefacts mobilisés de manière secondaire (6 soit f=0,24).

Situation des enseignants par rapport aux phases d’appropriation

À la suite des résultats obtenus, conscient que le modèle mobilisé s’inscrit dans une dynamique de transformation des sujets, nous avons créé une nouvelle catégorie a posteriori dénommée « phase de transformation ». Elle se situe entre les phases d’implantation et de routinisation, combinant des indicateurs de ces deux phases puisque certains enseignants se situent dans cet entre-deux, mais aussi des indicateurs spécifiques suite aux réponses fournies par les enseignants concernés. L’analyse de ces dernières a été fondamentale pour définir la phase de transformation. Elle se traduit notamment par une actualisation des pratiques socioculturellement préexistantes où s’opère une transformation effective tant dans les pratiques que dans l’environnement socioprofessionnel des enseignants (Guir, 2002 ; Lameul et al., 2011).

Cette phase de transformation, supplémentaire et – peut peut-être – transitoire au modèle de Coen et Schumacher (2006), se caractérise par l’interdépendance des indicateurs suivants : 

  • la mobilisation occasionnelle des logiciels dans les activités pédagogiques réalisées avec les élèves pendant les cours, l’identification par les enseignants d’effets positifs constatés de ces artefacts numériques dans leurs activités pédagogiques,
  • l’insuffisance des compétences techniques (peu élevées) des artefacts numériques mobilisés ;
  • la perception positive des enseignants envers ces artefacts ;
  • l’interdépendance de l’enseignant vis-à-vis du réseau social et l’identification de la solidarité comme effet positif réel des artefacts numériques mobilisés (réseau social considéré comme efficace).

Les résultats ont donc mis en évidence quatre caractéristiques d’appropriation (pédagogique, technologique, psychologique et sociale) auxquelles sont associées deux phases (transformation et routinisation), parmi les trois formalisées initialement (adoption, implantation et routinisation) par Coen et Schumacher (2006). La phase de routinisation, quant à elle, comporte les indicateurs suivants :

  • la mobilisation régulière du moteur de recherche « Google » dans les activités pédagogiques ;
  • la suffisance des compétences techniques (élevées) des artefacts numériques mobilisées ;
  • l’indépendance (débrouillardise) par rapport au groupe.

La situation des enseignants selon les phases est synthétisée dans le tableau ci-après.

Tableau 2 : situation des enseignants selon les phases d’appropriation

Phases

Pédagogique

Psychologique

Technologique

Sociale

Moteur de recherche « Google »

Logiciels

Transformation

0

2

25

11

16

Routinisation

25

0

0

14

9

Total

25

2

25

25

25

 

Si nous considérons l’appropriation pédagogique, pour le moteur de recherche « Google », la totalité des enseignants se situe dans la phase de routinisation, alors que, pour les logiciels, leur petite minorité (2 soit f=0,08)) se trouve dans la transformation. Nous en déduisons que, pour les logiciels, la grande majorité des enseignants (23 soit f=0,92) ne se situe ni dans la phase de transformation ni dans celle de routinisation. Ceci questionne le fait qu’ils seraient restés dans la phase d’adoption.

En effectuant le test de Khi 2 (khi2 = 50,7, ddl= 4, p= 0,05), il y a une très forte dépendance des phases par rapport aux caractéristiques d’appropriation (pédagogique, technologique, psychologique et sociale). Il est constaté qu’un même enseignant peut être dans la phase de routinisation pour une caractéristique d’appropriation, sans être forcément dans cette même phase pour une autre caractéristique. Plus généralement, peu d’enseignants sont dans une seule phase d’appropriation pour l’ensemble des caractéristiques étudiées. De ce fait, nous pourrions en déduire qu’il n’y aurait pas une progressivité linéaire dans les phases d’appropriation, voire une possible force « d’attraction » de certaines caractéristiques par rapport à d’autres. Aux vus de nos résultats, il est possible de penser que la routinisation de l’appropriation pédagogique soit un « attracteur » puisque tous les enseignants concernés (25) ont atteint cette phase, alors qu’eux tous se situent dans la phase de transformation de l’appropriation psychologique. 

Affordances qu’offrent les artefacts numériques appropriés  

L’un des objectifs de cette étude est d’identifier les affordances (possibilités d’action) qu’offrent les artefacts numériques. Les résultats mettent en évidence trois types d’affordances pour transformer les pratiques des enseignants et leur environnement socioprofessionnel : affordances socioprofessionnelles, affordances sociales et affordances culturelles.

  • les affordances socioprofessionnelles : les artefacts numériques permettent compléter les manuels scolaires pendant la préparation des cours et questionner les pratiques enseignantes.
  • les affordances sociales : les artefacts numériques permettent de valoriser l’image sociale de l’enseignant et de son métier.
  • les affordances culturelles : les artefacts numériques permettent de développer la solidarité et la communauté enseignante

Tableau 2 : affordances qu’offrent les artefacts numériques mobilisés

Affordances

Indicateurs

Compléter les manuels scolaires pendant la préparation des cours

Questionner les pratiques enseignantes

Valoriser l’image sociale de l’enseignant et de son métier

Développer la solidarité et la communauté enseignante

Professionnelles

25

10

-

-

Sociales

-

-

21

-

Culturelles

-

-

-

16

Total

25

10

21

16

 

Dans le contexte spécifique de la République Démocratique du Congo, tous les enseignants concernés font le constat que les manuels pédagogiques sont rares et/ou obsolètes. C’est la principale raison pour laquelle le moteur de recherche « Google » est considéré comme « précieux en tant que bibliothèque accessible à tous ». Il est perçu comme une aide externe pour la préparation des cours en tant qu’actualisation du corpus des savoirs et complément aux manuels scolaires. Par ailleurs, les résultats montrent que, grâce aux artefacts numériques mobilisés, certains enseignants (10 soit f=0,4) constatent un changement de leur regard envers les élèves  et une évolution de leurs connaissances et leurs méthodes de transmission. Ainsi, du point de vue professionnel, le moteur de recherche « Google » et les logiciels « Word ou Excel » ont permis d’améliorer l’enseignement, mais aussi faire évoluer les mentalités de l’enseignant.

Ensuite, pour la grande majorité des enseignants concernés (21 soit f=0,84), les artefacts numériques utilisés ont permis la reconnaissance de leurs compétences ou de leur métier par les élèves, leurs familles, leur établissement et, plus généralement, la société. Signalons qu’en République Démocratique du Congo, dans leur totalité, les enseignants souffrent de manque de reconnaissance. Par exemple, certains enseignants ont signalé être considérés comme pauvres, voire « mendiants » prêts à faire la « manche » auprès des parents afin de subvenir à leurs besoins élémentaires ; d’autres indiquent être pris pour des chômeurs, à tel point que les bailleurs refusent de louer leurs maisons aux enseignants parce qu’ils ne seraient pas en mesure de payer le loyer. Pour eux, il est « dégradant » d’être enseignant dans un tel contexte social, car leur image sociale est autant dépréciée que leur métier d’enseignant. Cependant, les résultats de notre enquête montrent qu’une des raisons pour les enseignants de s’approprier les artefacts numériques vise la reconnaissance sociale, notamment celle des familles des élèves. Par exemple, un enseignant indiquait avoir reçu des mots d’encouragement et de félicitations des parents, parce qu’ils proposaient des activités pédagogiques incitant les élèves à chercher des informations sur Internet. Ainsi, du point de vue social, grâce aux artefacts numériques, les enseignants se voient valorisés dans leur image ainsi que dans leur métier en raison de la reconnaissance de leurs compétences et la nouvelle approche de leur métier. 

Enfin, la majorité des enseignants concernés (16 soit f=0,64) indique que les artefacts numériques leur ont permis de développer l’échange des services, l’esprit d’équipe et d’entraide. L’enquête montre que la totalité des enseignants concernés mobilise des artefacts communication (en particulier, Facebook ou WhatsApp) pour pallier certaines difficultés de communication, mais aussi pour développer une communauté enseignante au sens large comprenant les collègues enseignants, familles, élèves et personnel administratif. D’ailleurs, tous les enseignants indiquent le partage de connexion en cas de pénurie de forfait Internet. Ce partage devient un phénomène très courant entre les enseignants dans plusieurs établissements scolaires. Ceux qui sont en pénurie de connexion Internet peuvent toujours compter sur ceux qui en ont. Dit autrement, au sein de leur établissement scolaire, un enseignant manquant de forfait Internet peut demander à son collègue qui en dispose de partager sa connexion. Ainsi, du point de vue culturel, les résultats montrent que les artefacts numériques mobilisés (en particulier, l’Internet) ont permis aux enseignants concernés de développer leur réseau et de partager des services. 

Synthèse de l’étude 

Les résultats obtenus ont permis d’identifier les dynamiques d’appropriation se traduisant par 4 dimensions, en référence au modèle de Coen et Schumacher (2006). D’après ces résultats, chez les enseignants concernés, l’appropriation des artefacts numériques se caractérise par quatre dimensions (pédagogique, technologique, psychologique et sociale) et se résume en deux phases : la transformation et la routinisation.

  • Appropriation pédagogique : la mobilisation (occasionnelle ou régulière) des artefacts numériques dans les activités pédagogiques réalisées et l’identification des effets positifs réels de ces artefacts dans les activités pédagogiques discriminent la phase de transformation et de celle routinisation.
  • Appropriation technologique : les compétences techniques (peu ou assez) des artefacts numériques mobilisés et l’identification de leurs effets positifs réels distinguent la phase de transformation de celle de routinisation.
  • Appropriation psychologique : la perception positive des enseignants envers les artefacts mobilisés et l’identification, par les enseignants, d’effets positifs réels constatés sur leurs pratiques et leur environnement socioprofessionnel caractérisent la seule phase de transformation.
  • Appropriation sociale : l’interdépendance (solidarité) du groupe et l’identification de la solidarité comme effet positif réel des artefacts numériques mobilisés, caractérisent la phase de transformation et l’indépendance (débrouillardise) par rapport au groupe, la phase de routinisation.

Les résultats ont également souligné trois types d’affordances des artefacts numériques dans l’environnement des enseignants concernés : les affordances professionnelles, les affordances sociales et les affordances culturelles. Du point de vue professionnel, les artefacts numériques ont permis aux enseignants d’actualiser le corpus des savoirs et de questionner leurs pratiques, ainsi que de compléter les manuels scolaires utilisés. Ensuite, du point de vue social, grâce aux artefacts numériques utilisés, l’image sociale de l’enseignant et de son métier s’est trouvée valorisée et enfin, du point de vue culturel, se sont développées la solidarité et la communauté enseignante.

 

Figure 2 : couplage appropriation et affordances socioculturelles du point de vue des transformations

Appropriation

Couplage structurel (sujet-numérique)

(Coen et Schumacher, 2006 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022)

 

Quatre caractéristiques d’appropriation (pédagogique, technologique, psychologique et

Sociale) auxquelles sont associées deux phases (transformation et routinisation)

Affordances professionnelles

Affordances sociales

Affordances culturelles

Affordance socioculturelle

Couplage sujet-objet-environnement

(Gibson, 1977 ; Morgagni, 2011 ; Simonian, 2022)

 

 

Transformations des pratiques et l’environnement

(Coen et Schumacher, 2006 ; Lameul et al., 2014 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022)

 

 

 

 

Les résultats de l’enquête tendent à montrer que l’appropriation et l’affordance ont en commun la transformation des activités de l’enseignant congolais et de son environnement contextualisé. De manière précise, si l’appropriation met en évidence le rapport sujet-artefacts numériques qui débouche sur les transformations ; l’affordance, quant à elle, souligne les possibilités perçues de ces artefacts pour produire ces transformations. De ce point de vue, l’appropriation et l’affordance sont deux entités qui se rapportent à la transformation du sujet et de son environnement contextualisé : l’enseignant s’approprie les artefacts numériques tout en percevant leurs potentialités pour transformer ses pratiques et son environnement socioprofessionnel. Cette idée confirme donc l’hypothèse d’un couplage appropriation et affordance du point de vue des transformations.

Discussion

La présente étude s’est focalisée sur l’appropriation et l’affordance du point de vue des transformations. Les résultats obtenus permettent de penser que l’enseignant congolais s’approprie les artefacts numériques parce qu’il en perçoit les potentialités de transformations de ses pratiques et de son environnement professionnel, à partir de deux catégories :

  • Pour la transformation : la mobilisation occasionnelle des logiciels dans les activités pédagogiques réalisées avec les élèves pendant les cours ; l’identification par les enseignants des effets positifs réels des artefacts numériques sur ces activités ; la faiblesse des compétences techniques des enseignants relatives à ces artefacts ; la perception positive de ces artefacts  par les enseignants ; l’interdépendance de l’enseignant vis-à-vis du réseau social ; l’identification de la solidarité comme effet positif réel des artefacts numériques mobilisés (réseau social considéré comme efficace).
  • Pour la routinisation : la mobilisation régulière du moteur de recherche « Google » dans les activités pédagogiques ; la suffisance des compétences techniques (élevées) des artefacts numériques mobilisées ; l’indépendance (débrouillardise) par rapport au groupe.

Plus généralement, dans notre cas, les quatre caractéristiques d’appropriation n’évoluent pas en même temps. Ainsi, ce qui semble prédominant, c’est la possibilité qu’offrent les artefacts numériques aux enseignants à transformer leurs pratiques pédagogiques, mais aussi l’environnement dans lequel ces pratiques prennent place (Karsenti et al., 2001 ; Coen et Schumacher, 2006). Au cours même de la mobilisation de ces artefacts, ils en font peu à peu un instrument, de manière située, en percevant les potentialités de ces artefacts et en modifiant leurs schèmes (Rabardel, 1995b). Les enseignants transitent, de manière progressive et non-linéaire, vers des processus d’instrumentation individuels et collectifs.

Le modèle de Coen et Schumacher (2006) envisage l’appropriation comme une transformation (Coen et Schumacher 2006 ; Fièvez, 2017) : celle-ci est interprétée comme « l’implantation d’un changement des pratiques » chez les enseignants qui s’approprient les artefacts numériques (Perrenoud, 1998 ; Karsenti et al., 2001 ; Peraya, 2002 ; Coen et Schumacher, 2006 ; Lameul et al., 2014). Chez les enseignants concernés, sont observées des transformations dans leurs pratiques pédagogiques, en ce qui concerne tant la préparation et la transmission de leurs cours que leur posture devant les élèves. La posture traditionnelle (instructional design) de l’enseignant évolue vers une pédagogie des élèves (learning design). Au-delà de la sphère pédagogique, cette transformation a des conséquences, plus larges, dans la sphère socioprofessionnelle (Guérin et al., 1997 ; Simonian et Ladage, 2014).

Les résultats de notre enquête ont souligné qu’en République Démocratique du Congo, les conditions professionnelles des enseignants sont défavorables à leur image sociale. Ils sont devenus objet de mépris et de moquerie par la société. Actuellement, la plupart des jeunes refusent de s’engager dans le métier d’enseignant pour ne pas subir le même « sort » que leurs enseignants. Dans cette situation sociale, les résultats obtenus mettent en évidence que  les artefacts mobilisés dans les activités pédagogiques ont pallié, quelque peu, ce manque de valorisation sociale, que cela soit auprès des élèves, des familles et de leur entourage. Quelques enseignants ont signalé avoir reçu des mots d’encouragement et de félicitations des parents, parce qu’ils proposaient des activités pédagogiques incitant les élèves à chercher des informations sur Internet. Dans ce contexte bien particulier, les artefacts numériques ont rempli une « signification-fonction sociale » (Simonian, 2014 ; 2022) : leur mobilisation ont favorisé autant une reconnaissance sociale de l’enseignant qu’une nouvelle perception de son métier. 

Par ailleurs, les résultats ont montré que des artefacts numériques appropriés ont permis aux enseignants de développer leur solidarité pour résoudre leurs problématiques professionnelles. Par exemple, ils s’entraident pour pallier les défaillances techniques et pratiquent le partage de connexion en cas de pénurie de forfait Internet. Ces résultats montrent que les artefacts numériques ont produit l’émergence de communautés dans lesquelles les enseignants interagissent en réseaux et en fonction d’un but précis (Williams et al., 2000 ; Proulx, 2004). Les échanges et la collaboration générés par de tels réseaux permettent d’acquérir une identité collective, produisent une « mémoire collective » et développent une « intelligence collective » au sens de Lévy (1997). Proulx (2004) relève le fait que, dans la communication électronique de groupe, ce qui fait le lien peut être le partage d’intérêts communs ou de valeurs et croyances communes ou la même appartenance culturelle, nationale ou ethnique.

Les artefacts appropriés semblent faciliter la communication, le partage de service et la solidarité entre enseignants concernés. Par exemple, le réseau Internet est mobilisé pour partager la connexion en cas de pénurie de forfait Internet. Du point de vue socioprofessionnel, ils développent la solidarité entre eux afin de faire face à leurs besoins professionnels (Guérin et al., 1997 ; Simonian et Ladage, 2014). De ce point de vue, les artefacts numériques sont considérés comme un « agent fédérateur » des enseignants travaillant au sein d’une même structure scolaire (Orlikowski, 2000 ; Williams et al., 2000 ; Proulx, 2004 ; Daele, 2014). Les potentialités de ces artefacts peuvent améliorer l’esprit d’équipe ou la cohésion sociale, mais aussi modifier l’organisation et les modes de fonctionnement des enseignants (Orlikowski, 1992 ; 2000 ; Tshimpaka Bodumbu, 2022) : ils travaillent moins de manière isolée puisque, de plus en plus, ils peuvent échanger, mais aussi compter, les uns sur les autres. Dans leur contexte socioculturel, se structurent donc de nouvelles formes de collaboration.

Orlikowski (2000) expliquait qu’à travers l’engagement régulier des usagers avec un artefact numérique particulier, dans des conditions et des formes particulières, les usagers finissent par élaborer un jeu de règles et de ressources qui structurent les nouvelles interactions qu’ils entretiennent avec cet artefact. Autrement dit, les artefacts numériques transforment la nature et le contenu des relations sociales développées par les enseignants dans leur travail, leur équipe ou leur établissement scolaire. À ce niveau, le principal objectif de ces artefacts consiste à faire émerger les transformations, de façon visible, au fur et à mesure que les structures de ces artefacts sont appropriées (DeSanctis et Poole, 1994 ; Orlikowski, 1992 ; 2000). Combinés à la tâche réalisée par l’enseignant, à son environnement organisationnel et au fonctionnement interne du groupe auquel il appartient, les artefacts numériques produisent certains effets efficients au sein d’un établissement scolaire.

Conclusion

L’étude effectuée porte sur les dynamiques d’appropriation et l’affordance du point de vue de la transformation, auprès de 25 enseignants volontaires officiant dans un établissement scolaire secondaire en République Démocratique du Congo. La revue de la littérature a montré que les artefacts numériques y sont mobilisés tant dans les activités personnelles que dans les sphères professionnelles. Mais, pour les enseignants concernés, l’accès à ces artefacts demeure très problématique. Cette difficulté est due, entre autres, à une politique peu incitative du gouvernement, mais aussi au manque d’infrastructures numériques des établissements scolaires, à l’absence de formation des enseignants à l’usage pédagogique des artefacts numériques et à la précarité de leur situation socio-économique. Pourtant, l’appropriation des artefacts numériques et leurs potentialités remplissent un rôle fondamental dans ce contexte particulier, caractérisé, entre autres, par la carence et l’obsolescence des ressources documentaires, ainsi que par le développement des processus de valorisation. Le processus d’appropriation serait donc lié aux particularités socioculturelles et sociotechniques recensées en République Démocratique du Congo.

Plus généralement, la revue de la littérature permet de penser que tout artefact entretient des rapports particuliers avec l’environnement technique (un artefact technique ne pouvant être dissocié de son ensemble technique), avec l’environnement humain (un artefact sera mobilisé différemment en fonction de l’environnement socioculturel dans lequel il est intégré et de ce qu’en font et pensent les acteurs concernés) et, plus micrologiquement, avec l’activité humaine (ici enseigner). L’artefact est un construit artificiel, matériel ou symbolique qui est défini par celui qui l’utilise (Rabardel, 1995a,b ; Simonian, 2019a, 2020). Au départ, externe au sujet, l’artefact ne devient effectivement instrument que lorsque le sujet l’intériorise, se l’approprie, le transforme ou le détourne en fonction de son environnement (Norman, 1988 ; Hutchins, 1995 ; Albero, 2010a).  C’est pourquoi toute relation d’un sujet à un artefact doit tenir compte des spécificités de l’environnement socioculturel, y compris lorsque la recherche concerne les processus d’appropriation. C’est pourquoi, au vu de l’ensemble de courants de recherche susmentionnés, une hypothèse explicative de l’appropriation est qu’elle est le produit d’un couplage structurel (sujet-artefact-environnement), dépendant des affordances qu’offrent les artefacts numériques pour transformer les pratiques et l’environnement énacté du sujet. 

Bien que mobilisés à des fins pédagogiques, les artefacts numériques demeurent tout d’abord des médiateurs de l’environnement socioculturel des enseignants. L’appropriation est déterminée par la perception qu’ont ces enseignants de l’utilité des fonctionnalités de ces artefacts et de la fonction qu’ils leur attribuent dans le but de transformer leurs pratiques pédagogiques et leur environnement socioprofessionnel. Ce type d’appropriation a été discuté sous l’angle de l’affordance socioculturelle (Morgagni, 2011 ; Simonian, 2019 ; 2020 ; 2022). C’est une des raisons pour lesquelles l’hypothèse peut être formulée que l’affordance comporte une dimension socioculturelle en fonction des propriétés et possibilités d’action repérées par un individu dans un environnement, dépendant d’un processus progressif d’acculturation sociotechnique et socioculturelle (Simonian et al., 2016, Simonian, 2019a, 2019b, 2020 ; 2022). Ces processus peuvent être incorporés à des artefacts par des manipulations humaines en amont de toute activité, mais qui se modifient au cours même de l’activité lorsque ces mêmes artefacts sont utilisés par des acteurs qui distribuent des connaissances socioculturelles liées notamment à leurs modes d’organisation et de production (Strachan, 2012). Par exemple, dans notre cas, l’appropriation des artefacts numériques par les enseignants concernés implique leur perception des potentialités qu’offrent ces artefacts. De ce point de vue, l’affordance traduit la perception, par les enseignants concernés, des potentialités d’action, (Simonian, 2014, 2019, 2020a, 2020b ; Simonian et al., 2016) mais aussi leur capacité, grâce aux artefacts mobilisés, de pouvoir transformer leurs pratiques et leur environnement.

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