La notion de « plateforme », dans sa prétention scientifique, manifeste toujours à la fois une grande polysémie et une non moins grande polychésie. Néanmoins, on s’accorde aisément sur le fait que les « plateformes numériques » se rapportent à une modalité d’instrumentation de la communication - c’est-à-dire la présence sine qua non d’un dispositif technique de médiatisation - et que ce dispositif implique un mode d’organisation spécifique (des mises en relations multiples coordonnées par un opérateur). À partir de ces éléments, nous proposons de considérer ces plateformes comme des dispositifs d'intermédiation médiatisée en vue d'une production. Ce faisant, il s’agit d’insister sur le fait qu’un dispositif déborde la seule dimension technique (bien que celle-ci soit prégnante) et se compose également de normes et de conventions, de représentations et de justifications portés par des discours d’escorte, bref, d’une pluralité d'éléments qui, en l’occurrence, participent de la configuration de la relation. Il s’agit également d’insister sur le fait qu’une plateforme en ligne a comme finalité une production et que celle-ci procède de la relation. La question centrale est dès lors : qu’est-ce qui est produit par cette mise en relation ?
NUMÉROS
L’expression "littératie numérique" peut être entendue comme la capacité à comprendre, à utiliser et à créer des écrits sur des supports numériques. Mais s’agit-il de savoir coder, de maîtriser une écriture multimédia ou multimodale, ou encore d’être en mesure d’argumenter et de délibérer en ligne ? Cet article dégage trois niveaux d’interrogation du numérique comme nouvelle modalité de l’écriture : l’écriture comme code informatique, l’écriture comme expression médiatique, et enfin l’écriture comme argumentation ou discours rhétorique.
L’intelligibilité du numérique passe par l’intelligence des traces et leur herméneutique ou interprétation. Il s’agit de comprendre ce qui se passe quant au sens quand on traite les traces comme des données à mobiliser dans des systèmes numériques, et quels sont les outils, méthodes, concepts permettant de reconstruire un régime du sens, une manière de comprendre et d’interpréter ces traitements. Par conséquent, ce numéro entend explorer dans la perspective de l’intelligibilité du numérique, la nature des données, leur relation à ce qu’elles représentent et aux traces dont elles peuvent être la capture, pour éclairer la valeur épistémique, pratique, probatoire et argumentatif des résultats qu’elles permettent de produire.
Le concept de modèle est fondamental pour comprendre les environnements numériques. Cependant cette notion peut avoir plusieurs significations et est par ailleurs interprétée différemment selon les disciplines, les approches et aussi les métiers. La notion de modèle a été intensivement mobilisée dans les sciences de l’ingénieur pour répondre aux besoins importants fortement imbriqués de représentation des systèmes dynamiques d'une part, et d'autre part de représentation des données, informations et connaissances.
Ce premier numéro de la revue Intelligibilité du Numérique entend interroger les problématiques inhérentes à la conception de systèmes de gestion des connaissances interdisciplinaires. A cette fin, il est nécessaire de prime abord de comprendre les usages et pratiques liés à l’interdisciplinarité et – ce faisant – de discerner les formes que revêtent ces derniers pour co-construire des échanges scientifiques féconds. Ce sera là l’objet d’une première sélection d’articles, lesquels soulèvent quelques-uns des comportements idiomatiques standards (Hall,1978) posés par le dialogue interdisciplinaire et formulent des préconisations quant à sa mise en œuvre. Saisir les mécanismes favorisant l’interdisciplinarité est essentiel pour conduire des projets interdisciplinaires car ils permettent d’identifier ou de concevoir les méthodes et modèles à déployer dans ce type de contexte, et subséquemment de s’appuyer sur ceux-ci pour modéliser et réaliser les dispositifs socio-numériques adaptés. Une seconde section de ce numéro traite spécifiquement de ces aspects. Enfin, une dernière section « vie de la recherche » est consacrée à plusieurs projets scientifiques en cours.