REVUE INTELLIGIBILITÉ DU NUMÉRIQUE

Coordonné par BACHIMONT Bruno, VERLAET Lise & GANÇARSKI Pierre

 

Traces, données et preuves en contexte numérique : quelles acceptions interdisciplinaires?

Résumé : L’intelligibilité du numérique passe par l’intelligence des traces et leur herméneutique ou interprétation. Il s’agit de comprendre ce qui se passe quant au sens quand on traite les traces comme des données à mobiliser dans des systèmes numériques, et quels sont les outils, méthodes, concepts permettant de reconstruire un régime du sens, une manière de comprendre et d’interpréter ces traitements. Par conséquent, ce numéro entend explorer dans la perspective de l’intelligibilité du numérique, la nature des données, leur relation à ce qu’elles représentent et aux traces dont elles peuvent être la capture, pour éclairer la valeur épistémique, pratique, probatoire et argumentatif des résultats qu’elles permettent de produire.

Mots-clés : traces, données, preuves, enregistrements, contexte numérique, interdisciplinarité, intelligibilité.

De l'information à l'écriture

Résumé : L’écriture ordinaire associe la variabilité des supports et la persistance de la forme des tracés. L’information discrète non probabiliste (l’information usuelle de l’informaticien) est abordée via l’idée de traduction transphénoménale qui implique l’abandon de toute trace de phénoménalité et de forme des tracés empiriques pour ne retenir qu’un invariant de traduction déterminé comme une distinctivité mutuelle d’éléments indiscernables. Cet invariant fonctionne comme une symétrie où le degré de distinctivité, qui peut se comprendre comme une quantité d’information, a pour contrepartie une jauge d’indétermination, de même degré, correspondant à l’indiscernabilité des éléments. Cette approche permet de déplier la fiction qui assimile les traitements d’information à des manipulations de symboles.

Mots-clés : information, écriture, discrétisation, théorie de l'information, philosophie de l'information, informatique, fiction, transphénoménalité.

« Suivre à la trace », du numérique à l’éthique. Quelle responsabilité pour un éditeur de logiciels ?

RésuméChaque organisation produit quotidiennement un nombre toujours croissant de données, formant les « big data ». Leur gestion soulève aussi bien des enjeux techniques, économiques, politiques qu’éthiques. Dans notre recherche, nous avons considéré le cas où un prestataire en édition logicielle est mandaté par une organisation pour y apporter une réponse technologique. Nous avons suivi les étapes de l’implémentation de la solution – une plateforme de réconciliation des données – et vérifier la promesse du prestataire. Depuis ce point d’observation, une question est apparue : une technologie capable de réconcilier des données doit-elle rendre intelligible toutes les données qu’elle peut légalement traiter et produire ? Le dilemme éthique soulevé a été appréhendé par le biais d’un référentiel éthique, dont les cinq principes ont servi de cadre à l’analyse d’un corpus documentaire construit autour de la plateforme et de son paratexte. Si l’éditeur logiciel semble en conformité avec le référentiel, un malaise éthique demeure et inspire deux recommandations – transparence et responsabilité – à l’intention des éditeurs logiciels « big data ».

Mots-clés : éthique, big data, plateforme, gouvernance des données, responsabilité.

Naviguer dans les traces numériques sur Twitter. Retour sur la conception d’un dispositif de cartographie de données à destination de journalistes

RésuméCet article offre un retour d’expérience d’une recherche appliquée pluridisciplinaire pour concevoir un outil d’exploration et de cartographie de données issues de Twitter à destination des journalistes. L’approche privilégie l’observation et la compréhension des usages des journalistes et une projection d’intégration du logiciel dans leurs pratiques et les routines quotidiennes. Trois scénarios d’usages sont développés, rendant compte d’une diversité d’appropriation de l’outil. Ils soulignent l’intérêt de penser une interface favorisant la compréhension par l’utilisateur des opérations réalisées sur les données, mais également la nécessité que les usagers disposent d’une culture numérique minimale pour produire des contenus éditoriaux fondés sur l'exploitation des traces numériques.

Mots-clés : cartographie, traces numériques, journalisme, plateformes de réseaux sociaux, Spikyball sampling.

L’enquête OSINT. Des traces ouvertes au récit journalistique fermé

Résumé : Cet article s’intéresse à la mécanique à travers laquelle les journalistes d’investigation spécialisés dans l’OSINT (Open Source Intelligence) s’emparent de documents ouverts pour composer une démonstration. Partant d’exemples récents d’enquêtes réalisées par les cellules d’investigation OSINT du Monde et le New York Times, il interroge leurs modes d’appropriation des traces numériques laissées par les internautes et les dispositifs informatiques, pour élaborer un appareil de preuve dont l’efficacité dépend de la capacité des enquêteurs à resignifier ces éléments épars. Nous montrons comment l'exploitation de ces traces utilise souvent une approche forensique et participe de la construction d'« évidences » au travers d'une narration qui tend à clore les possibilités d'interprétation du récepteur.

Mots-clés : OSINT, investigation journalistique, enquêtes visuelles, narration, traces, forensique.

Historicité et réflexivité : une utilisation éthique des traces numériques. Test de l'utilisation de ses propres traces par un internaute lors de sa navigation sur une base de documents juridiques

Résumé : Notre travail sur l'agir des utilisateurs explorant une base de données équipée d'outils de traçage, nous amène à analyser l'ensemble des traces laissées par un panel d'utilisateurs hétérogènes et identifiés. Afin d'historiser les traces de ces utilisateurs, nous proposons d'observer différentes caractéristiques pour lesquelles la dimension temporelle est essentielle. Cela consiste à interpréter la trace datée comme une signature sémiotique qui se déploie au cours du processus d'appropriation des connaissances. Ceci nous a conduit à développer une plateforme numérique dédiée au droit des transports équipée d'un système de collecte automatique de traces. L'idée est de collecter, par exemple, les documents lus, l'ordre d'accès au contenu, mais aussi la durée d'une session, ou le temps passé sur chaque document. Dans notre approche, nous laissons aux utilisateurs la possibilité de regarder à la demande le "film" de leurs actions. De cette façon, l'utilisateur devient une sorte de créateur autonome de la boucle d'interaction avec la base de données en comprenant son propre processus d'interprétation en cours pour la modifier ou l'étendre. Nous présentons les résultats obtenus lors d'une expérience menée en mars 2021. Le panel d'utilisateurs était composé d'experts et de non-experts en droit, ayant accès ou non à leurs propres traces. Nous avons conçu des tests comparatifs entre les usages de deux versions de la plateforme, l’une permettant l’accès aux traces pour l’utilisateur et l’autre non et entre navigation d’experts et de non experts du droit. Les analyses montrent sans ambiguïté que la version tracée encourage les utilisateurs à multiplier les interactions avec la plateforme et en particulier les retours en arrière.

Mots-clés : trace numérique, interprétation, appropriation de connaissances, bases de données, phénoménologie sémiotique, sciences de la culture.

Le tracking flow des interactions communicationnelles des étudiants dans un dispositif d’apprentissage en ligne

RésuméPartant d’un modèle de description du dispositif d’apprentissage en ligne fondé sur la notion d’appropriation, l’exploration de la plateforme permet de dégager des profils en fonction de la dynamique des interactions communicationnelles générées tout au long du parcours des apprenants. Chaque profil est discriminé à partir des circuits empruntés durant la réalisation des activités collaboratives (forums de discussion) et individuelles (glossaire et wiki) programmées dans la plateforme, moyennant les ressources intégrées (supports en pdf et liste bibliographique). La mobilisation des outils d’analyse des data learning (langage Python…) permet de traquer les « traces » des participants au point de rendre potentiellement identifiable leur degré d’implication en termes d’acquisition, de restitution et de capitalisation des connaissances mutualisées. La différenciation ainsi dégagée laisse voir des profils hétérogènes susceptibles de mesurer le niveau d’engagement (et/ou de désengagement) des apprenants et de repérer, un tant soit peu, leurs stratégies d’apprentissage en ligne.

Mots-clés : tracking flow, interaction, trace numérique, médiatisation, apprentissage.

Traces archéologiques et archives de fouille. Des recherches pluridisciplinaires sur les opportunités et les contraintes des pratiques en contexte numérique

RésuméLes relations qu’entretiennent les professionnels de l’archéologie aux traces archéologiques et aux archives de fouille qui regroupent documentation et mobiliers recueillis sont très variées. Elles ont beaucoup évolué au cours de l’histoire de la discipline en raison de grandes différences dans les méthodes de fouille et dans les pratiques de production, de gestion et de conservation de ces archives. Cet article revient sur cette évolution, en évoquant d’abord une approche historiographique. Au cours des années 1960 l’apparition de l’informatique dans les sciences humaines et sociales, puis leur déploiement de plus en plus large et rapide depuis les années 1980 avec le développement de la micro-informatique personnelle, ont conduit à un changement important dans les conditions de production de ces archives, du terrain à leur restitution sur divers supports, dont ceux relevant du régime numérique. Certes, les dispositifs numériques offrent d’indéniables opportunités pour la diffusion d’archives de fouille anciennes et récentes comme le montrent certains projets évoqués ici. Mais ils impliquent aussi des changements dans les pratiques de production, de gestion, d’indexation, de conservation, de partage des archives de fouille qui, par souci d’interopérabilité technique et sémantique, imposent des contraintes dans les formalismes et les contenus de ces archives en régime numérique. Nous nous appuyons ici sur divers projets de recherche et sur notre thèse en cours qui adopte un point de vue réflexif sur notre propre pratique et sur celles d’autres chercheurs de divers champs disciplinaires pour mettre en perspective les différentes sources documentaires mobilisées et nos observations.

Mots-clés : archéologie, archives, fouille, numérique, pratiques.

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