Formes discursives et design génériques dans les plateformes participatives de critique culturelle

Plan de l'article

 

Auteurs

Irene De Togni

DE TOGNI Irene

Doctorante en Sciences de l'Information et de la Communication
DICEN IdF EA-7339         
                
Université Paris Nanterre 
200 avenue de la République
92 000 Nanterre
France
 
 

Cécile Payeur

PAYEUR Cécile

Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication
DICEN IdF EA-7339                         

Université Paris Nanterre 
200 avenue de la République
92 000 Nanterre
France

 

Citer l'article

De Togni, I. & Payeur, C. (2023). Formes discursives et design génériques dans les plateformes participatives de critique culturelle. Revue Intelligibilité du numérique, 4|2023. [En ligne] https://doi.org/10.34745/numerev_1927

 

 

Résumé : Avec l’émergence du phénomène de plateformisation dans le domaine de la culture se pose la question de l’implication de l’utilisateur dans la production de savoir et des processus de capacitation générés par sa participation. À travers une analyse sur plusieurs niveaux de l’écriture numérique, nous interrogeons les dynamiques de proposition de formes génériques et les pratiques de réinvestissement plus ou moins transformatif de ces formes dans une perspective où la participation des utilisateurs ainsi outillée s'étend, via leur activité de consommation et production de texte et d’interprétation des formes génériques proposées, au design des plateformes. Ce travail s’appuie sur le corpus d’une thèse en cours, constitué de plateformes participatives de critique culturelle, et sur des recherches développées au sein du projet ANR-Collabora sur les aspects de généricité et de génération des dispositifs info-communicationnels.

Mots-clés : littératie numérique, design, plateformes, genre, liste, écrilecteur-designer.

 

Abstract : In the context of the emergence of the platformization phenomenon in the field of culture, the question arises of the involvement of the user in the production of knowledge and of the empowerment process that its participation can generate. Through an analysis of several levels of digital writing, we question the dynamics linking the proposal of generic forms to the practices of more or less transformative reinvestment of these forms from a perspective where the participation of users thus equipped is extended, via their activity of consumption and production of text and interpretation of the generic forms proposed, to the design of the platforms. This work is based on an ongoing PhD work’s corpus composed of participatory platforms of cultural criticism and on a research developed within the ANR-Collabora project on the aspects of genericity and generation of information-communication devices.

Keywords : digital literacy, design, platforms, genre, list, designer-user.

 

Introduction et problématique

Dans le domaine de la culture, après l’essor du web participatif, se sont récemment développées un ensemble de plateformes dites « contributives » destinées au partage, à la collecte, la catégorisation, l’évaluation, l’archivage de données et de documents partagés entre une communauté d’amateurs passionnés agissant de manière volontaire et différents acteurs (institutions, chercheurs…) en vue de la production d’une connaissance commune (Severo et al., 2022). Cette réponse engagée au phénomène de plateformisation dans le domaine de la culture renforce les questions de l’implication de l’utilisateur dans la production de savoir et des processus de capacitation (Stiegler, 2015) que sa participation peut générer. Ces questions concernent les plateformes dans leur ensemble, qu’elles soient contributives, d’après la définition de Severo (2022), ou participatives, dans un sens plus général, où la gouvernance des acteurs opérée par la plateforme peut être orientée vers des enjeux marchands.

De nombreuses études réalisées sur ces dispositifs[1] montrent la présence d’une certaine standardisation, ou montée en généricité (Payeur & Chupin, 2020), dans les formes proposées aux usagers pour la participation. Cette standardisation est repérable à différents niveaux, notamment celui de la forme intelligible à l’interface (Candel et al., 2012) - à travers les likes, les nuages de tags, les vignettes ou les listes -, celui des architextes de création, des logiciels de gestion des contenus - Content Management Systems ou CMS (Jeanne Perrier, 2006) ou celui du code (Goyet, 2017). L’étude de ces  formes standardisées, ou évoluant vers une certaine standardisation, pourrait contribuer à la constitution d’une grammaire des écritures numériques, une sorte de boîte à outils (toolkit) pour l'expression et la mise en forme du texte. Nous avançons l’hypothèse que, parallèlement aux possibilités de lecture et d’écriture que ces dispositifs offrent à l’utilisateur, leur niveau de généricité fait apparaître l’importance de la dimension de génération/création activée par des opérations de réinvestissement transformatif de formes existantes plus ou moins standardisées, dans la définition d’une littératie numérique. Il s’agirait d’un élargissement des compétences info-communicationnelles nécessaires aux usagers des écosystèmes numériques contemporains, par rapport à un premier élargissement proposé par la notion d’écrilecture de Broudoux (2018). L’utilisation et l’appréhension de ces dispositifs dans un objectif d’apprentissage, ou plus largement dans ce que Le Deuff décrit tout à la fois comme « capacité à lire et à écrire » mais aussi comme « possession de compétences et d’habileté » et « élément d’apprentissage » (Le Deuff, 2012), impliquerait désormais de savoir-comprendre et travailler la généricité et la génération, qui se lient à une dimension de design dans l’utilisation de ces plateformes.

Cet article naît de la rencontre entre deux travaux de recherche sur des corpus de plateformes contributives et participatives. Un travail de thèse portant sur la forme de la liste au sein de plateformes dans lesquelles  s’exerce un discours de recommandation et de critique culturelle, d'un côté, et des recherches étudiant un ensemble de plateformes contributives culturelles au sein du projet ANR-Collabora[2], d'un autre côté. Dans un premier temps, nous abordons le genre comme outil théorique nous permettant de relier une approche de l’architexte du point de vue de l’écriture aux processus de génération, d’évolution et de standardisation des formes d’écriture numérique dans un contexte participatif. Dans un second temps, nous analysons un ensemble de plateformes à deux niveaux: le niveau, d’abord, du repérage des formes rhétoriques, simples et composées, via la figure de la liste, et celui, ensuite, du dispositif info-communicationnel, impliquant des recompositions selon une approche transplateforme et mettant à jour la question du design, à la fois du point de vue de l’usager et du point de vue du concepteur. Un retour théorique réflexif final concerne la contribution au développement d’une littératie numérique, de l’opérabilité du concept de genre, et les perspectives d’écriture de préconisations pour la conception de plateformes participatives de critique culturelle autour de la figure de l’écrilecteur-designer.

Modalités d’action de l’utilisateur : le prisme du genre

De nombreux travaux en sciences de l’information et la communication abordent la question de la littératie numérique à partir du lien qui relie le numérique à l’écriture  (Souchier et al., 2019, Bachimont, 2010, Petit & Bouchardon, 2017, Stiegler, 2015, Vitali-Rosati, 2020). Ce point de vue inscrit l’étude du numérique dans une relation de continuité avec les formes d’écriture qui le précèdent (Vandendorpe, 1999), tout en faisant  ressortir les spécificités des écritures selon les supports numériques. Le numérique y est défini comme une coexistence de trois différentes « couches » d’écriture formées à partir de leur geste d’inscription : le codage binaire et son formatage via un alphabet formel, le niveau des logiciels  (CMS, architextes, par exemple) qui supportent la production et l’édition du texte et qui permettent l’interaction de l’utilisateur avec le contenu et le système qui le contient, et le document « abstrait », lisible en surface comme résultat « final » de la chaîne de production de texte (Bonaccorsi, 2013). C’est dans cette forme de continuité que nous interrogeons le numérique et la littératie numérique sous le prisme du genre et que nous approfondissons la réflexion sur la relation entre standardisation, appropriation et évolution des formes de l’écriture numérique, au sein du phénomène de plateformisation.

Penser la dimension générative du genre 

Le problème posé par le genre en écriture naît initialement au sein des réflexions que nous pourrions reconduire au geste de la théorie littéraire, depuis Aristote dans sa Poétique en passant par Hegel et jusqu’à la poétique moderne avec Genette (1986) et Schaeffer (1989). Ce problème est essentiellement double[3]: d’un côté se pose le problème taxinomique de la catégorisation de toute production textuelle, du jeu des ressemblances et des différences qui mettent en relation les textes entre eux. Cette catégorisation peut se faire à partir de l’objet d’écriture selon un critère thématique, à partir de la situation d'énonciation selon un critère modal ou à partir des moyens formels et matériels d’énonciation selon le critère de la forme et du support, critère étroitement lié à celui la finalité de l’énonciation (Genette, 1986). D’un autre côté, se pose le problème de la remobilisation des formes écrites, de la création du nouveau à partir de l’existant. En permettant la classification de textes existants, le genre établit un cadre communicationnel de référence pour tout nouvel acte de langage, participant à la fois à la réception et à la conception, ce qui en fait un concept opératoire aux deux niveaux de la circulation des textes.

De fait, le genre est intimement lié à la notion  de génération. Les termes de genre, ou de générique dans sa forme adjectivale, et de généricité (qui désigne le genre comme la propriété d’un objet) sont étymologiquement liés à celui de génération, issu du latin « genus, generis » et que l’on peut traduire par  naissance, renvoyant à ce qui est embryonnaire, originaire, épuré, essentiel. Dans la perspective proposée par Badiou dans « L’écriture du générique » (1992), le générique, ou le processus de composition d’une forme générique, suppose ce mouvement vers l’essentiel pour lequel la proposition d’une forme résulte d’opérations de soustraction de toute particularité. Les formes génériques se situeraient ainsi au « degré zéro » d’une forme en attente d'être investie par ses utilisations particulières dans le processus de génération textuelle.

La relation entre genre et génération semble opérer particulièrement dans le contexte de l’écriture numérique. Elle permet de questionner les relations entre cadre prescriptif et production du texte - ou reproduction, pour reprendre l’étymologie « génétique » du terme « genre » -, la nature automatisée (algorithmique) de cette production et les conditions de l’émergence d’une singularité. Elle pose également la question de la reproductibilité  ou adaptabilité si l’on pense, par exemple, à la programmation générique[4]-, à savoir d’une possible exportation d’un cadre local à une réalité globale qui expose, en ce sens, à une standardisation des écritures. Elle se pose en lien avec la production participative de texte en milieu numérique par le concept de « generativity » (Zittrain, 2008) et d’architexte (Jeanneret et Souchier, 1999) qui rendent évidente la conjoncture particulière entre genre et génération, observable au sein des écritures numériques. D’un côté, la generativity interroge l’impact de la structure d’une technologie, et du type de structuration qu’une technologie propose de la participation à son développement, sur la génération de texte. Elle envisage la conception d’un dispositif numérique, une plateforme dans le cas de l’ouvrage de Zittrain, génératif, c’est-à-dire capable de produire de nouvelles formes, structures ou comportements de manière indépendante de ses créateurs. Un exemple de technologie générative serait Internet, par opposition à de nombreuses autres technologies dites « stagnantes ». D’un autre côté, l’architexte proposé par Souchier et Jeanneret transpose en milieu numérique le concept d’architexte formulé par Genette (1986) problématisant essentiellement les dynamiques génériques au sein de la production textuelle. Le genre est une composante majeure de la dimension architextuelle des textes, à savoir l’ensemble des catégories générales avec lesquelles nous mettons en relation les textes singuliers que nous lisons et qui se trouvent pour cela dans un rapport de transcendance aux textes singuliers[5]. Cette transcendance de l’architexte est traduite en écriture numérique dans la position privilégiée des logiciels permettant la génération de textes proposés aux utilisateurs par rapport aux textes produits par ces derniers. L’architexte, à la fois comme cadre prescriptif et comme outil de création, porte l’attention sur la place et sur le pouvoir d’un texte préexistant et prescripteur dans la production de texte nouveau, sur les répercussions d’une machinisation/programmabilité de cette dynamique de production et, par conséquent, sur les conditions d'émergence de la singularité en contexte numérique ou, en d’autres termes, sur la question de l’homologation/diversification de la production textuelle numérique et ses modalités.

Perspectives applicatives en écriture numérique

Le numérique offre un milieu fertile de remobilisation des théories génériques en vue d’une compréhension et d’une appropriation des écritures numériques via l’analyse des continuités et des interruptions avec les écritures qui le précèdent. Au-delà de l’architexte, diverses actualisations de la notion de genre en analyse du discours numérique telles que le « genre web » (Maingueneau, 2013) ou le « technogenre » (Paveau, 2017), permettent de concevoir ensemble le genre et le support d’écriture numérique. Une analyse générique au sein d’un média informatisé comme celle proposée par Maingueneau conçoit le genre comme un cadre communicationnel qui prescrit des rôles aux communicants et détermine la légitimité formelle du phénomène communicationnel. Elle propose également une définition des interfaces numériques d’observation où ces dynamiques génériques s’inscrivent. Trois types de discours à l’oeuvre sont identifiés : un discours iconotextuel, d’abord, relevant de la dimension éditoriale et « visuelle » de ce qui est affiché à l’écran ; un discours architectural, ensuite, relevant des dimensions info-documentaire et design de l’organisation de l’information et de son accessibilité pour l’usager ; un discours processuel, enfin, relevant de sa composante logicielle et de sa « raison » algorithmique.

Au niveau de l’application de ces notions, nous distinguons principalement deux mouvements : le premier mouvement est une caractérisation du genre sur le support numérique, que nous pourrions appréhender en utilisant la métaphore  du « vocabulaire ». De nombreux travaux mobilisent la notion de genre pour se référer à un ensemble de sites ou, plus généralement, de formations discursives numériques en utilisant les périmètres du genre et en les comparant avec les caractères pré-numériques de ce genre spécifique. C’est le cas du parallèle entre le journal intime et le blog (Deseilligny, 2010) ou du discours sur la critique culturelle amateur ou la critique culturelle web (Candel, 2007) comprise comme une nouvelle déclinaison du genre critique et de l’autorité critique. Les formes discursives analysées sont, dans ces travaux, référées au genre en question. Le second mouvement, que nous pourrions désigner en utilisant la métaphore de la  « grammaire », est celui de la caractérisation de l’écriture numérique, auquel le genre spécifique participe, mais qui en dépasse les périmètres, et qui se présente sous les traits d’une standardisation généralisée des formes (Candel et al., 2012) et des fonctionnalités générales de l’écriture numérique dérivant de la nature de leur support d’inscription et de circulation (Crozat et al., 2011). Cette double perspective sur le genre met en évidence une fois de plus les tensions entre localité et globalisation des formes génériques dans la constitution d’une littératie numérique au niveau de la recherche scientifique.

Notre contribution prend en compte ces deux dimensions complémentaires à travers l’analyse d’une déclinaison particulière des dynamiques génériques autour d’une forme particulière, celle de la liste, de la critique culturelle sur le web et du phénomène plus général de la plateformisation, à l'œuvre au sein des écritures numériques. Elle porte sur le rapport entre l’inscription du discours dans un genre spécifique et les tendances évolutives qui caractérisent l’écriture numérique dans une perspective plus large.

Écriture participative sur plateforme

Les dispositifs numériques ciblés par nos travaux relèvent de différentes caractéristiques qui forment leur particularité dans l’écriture participative. Dans son analyse socio-économique du phénomène de plateformisation, Casilli caractérise les plateformes comme des « mécanismes multiface de coordination algorithmique qui mettent en relation diverses catégories d’usagers produisant de la valeur » (Casilli, 2019). La plateforme est envisagée comme une structuration politique et, surtout, économique au sens d’une gouvernance (O’Reilly, 2011) impliquant au moins deux groupes d’individus (Srnicek, 2016) orientée vers une logique de production. Bien que la plupart de ces dispositifs conservent les connotations marchandes du contexte d’origine (Bullich & Guignard, 2016), des travaux de recherche récents ont mis en lumière sous le terme de « plateformes contributives » (Severo et al., 2022) des initiatives à but non lucratif qui se posent comme une réponse engagée à ce phénomène et qui réhabilitent des possibles d’ordre politique pour ce type de configuration. Mécanisme d’intermédiation entre groupes d’individus, la plateforme est, en ce sens, rhétoriquement alliée avec la participation et, notamment, avec sa structuration. Elle représente à la fois l’écosystème « coordonnée » où ces processus participatifs ont lieu, et elle est, dans le même temps, susceptible d’en être modifiée. Du point de vue anthropologique de Kelty (2019), qui trace la généalogie des processus participatifs, la plateforme représente un type de participation « outillée » ou « instrumentalisée » (Jeanneret, 2014) répondant à la nécessité de coordonner un grand nombre d’individus et rentrant pour ce faire dans une optique d’exportabilité et de globalisation des pratiques et des procédures particulières. L’enjeu serait de questionner la place de l’utilisateur dans ces dynamiques de coordination outillée, au sein des processus participatifs véhiculés par la plateforme. A partir de  la métaphore du numérique comme écriture, nous analysons la plateforme comme une organisation textuelle de la participation où les outils, qui se sémiotisent à l’écran pour permettre l’interaction des usagers avec des logiciels, se présentent comme des formes éditoriales et où les dynamiques de leur appropriation pour la mise en place des processus participatifs relèvent d’opérations de lecture et d’écriture. Le design des plateformes se trouve, de ce fait, confronté au problème de conception d’outils permettant la génération de texte (architextes, CMS) qui soient intelligibles et « capacitants » pour les utilisateurs. La conception d’une écriture et d’une plateforme participative comprend des opérations diverses, incluant l’établissement d’objectifs à atteindre, la répartition de tâches à accomplir et allant jusqu’à la mise à disposition d’un ensemble d’outils et de protocoles d’utilisation pour leur accomplissement (Kelty, 2012). Dans cette optique, tout outil proposé au participant prévoit un mode d’emploi qui s’insère dans une organisation générale au niveau de la plateforme. Cette organisation est loin d’être statique mais s’actualise et se re-conçoit de manière participative à partir des interprétations, faites par les utilisateurs, de la spécialisation fonctionnelle[6] véhiculée par les outils techniques (Bachimont, 2010) qui la composent. La notion d’outil nous permet de traiter ensemble la dimension de l’équipement et de structuration de la participation et la question de l’outil technique qui compose  le dispositif, et notamment le dispositif numérique dans sa forme écrite.

Le toolkit (Kelty, 2019) relève pourtant de l’organisation matérielle, technique et sociale de la participation. Dépassant l’outil pris au singulier, il comprend des technologies socio-techniques (des organisations sociales, des logiciels), des directives ou des instructions d’utilisation plus ou moins précises ou contraignantes qui tiennent compte d’un degré de simplicité ou de complexité dans l’utilisation, des possibilités d’évaluation et de partage d’expérience. Ce que nous traduisons par boîte à outils (toolkit) comprend, en milieu numérique : architexte, péritexte d’instruction, positionnement au sein de l’organisation syntaxique de la plateforme, composantes de la forme traduisant des espaces et des possibilités de variation, manipulation, partage, évaluation.

La nature écrite du numérique permet de considérer les outils essentiellement comme un ensemble de textes générant des productions textuelles ultérieures s’offrant à l’observation comme le lieu d’actualisation des dynamiques génériques telles que nous les avons présentées plus haut. Ces textes s’organisent dans des formes éditoriales (listes, commentaires, fils d’actualité, par exemple) et évoluent selon une logistique, une détermination relationnelle, que ces formes déterminent entre les éléments qui les composent. En ce sens, l’interprétation que les utilisateurs en font, et la littératie spécifique qui est mobilisée, doit se construire en même temps dans une dimension éditoriale, une dimension technique et une dimension logistique/relationnelle qui relève de la participation et de sa gestion « graphique». Ces formes se posent comme un objet central pour l’analyse des processus de capacitation et d’alphabétisation des usagers.

Des formes aux plateformes participatives de critique culturelle

L’analyse des plateformes proposée s’effectue à différents niveaux: le niveau des formes et des pratiques discursives, d’abord, et le niveau de la génération des dispositifs info-communicationnels, ensuite. Il s’agit de mettre à jour les rapports entre genre, génération et littératie des utilisateurs, nous permettant d’esquisser les contours de la figure de l’écrilecteur-designer.

Le niveau des formes et des pratiques discursives

Cas d’étude et méthode d’analyse

Cette partie s’appuie sur un travail de thèse qui étudie la forme de la liste numérique au sein d’un corpus de plateformes de critique culturelle. Le corpus se compose de vingt-quatre dispositifs participatifs de critique culturelle. L’analyse se concentre sur deux typologies principales de listes au sein de ces plateformes : les listes d’objets culturels et les listes de profils. Nous proposons une application de notre réflexion théorique au cas paradigmatique des listes de recommandation culturelle de la plateforme Goodreads, proposées aux utilisateurs comme une forme de participation, tout en tenant compte des « sous-listes » qui la composent. D’un point de vue méthodologique, notre analyse s’est déroulée en deux temps : un premier temps d’observation participante des plateformes via l’inscription, l’utilisation, la prise de notes et de captures d’écrans ; et un deuxième temps d’analyse qualitative des interfaces selon, d’une part, l’élaboration proposée par la sémiologie des écrits d’écran (Souchier et al., 2019) et notamment selon le modèle de répertoire des formes éditoriales numériques au sein d’un discours spécifique dans les travaux de Candel (et al., 2012) et, de l’autre, selon une démarche empirique de composition de grilles d’analyse à partir des déductions issues du premier moment d’immersion sur le terrain et des modélisations de la forme liste. L’enjeu est de tenir ensemble l’analyse de la participation sur plateforme (Kelty, 2012) et les perspectives ouvertes par les théories génériques (Maingueneau, 2013) dans l’interrogation des écrits d’écran.

En ce qui concerne la liste, l’analyse est supportée par une modélisation obtenue en combinant un travail de recherche bibliographique et de définition conceptuelle et une observation des déclinaisons numériques de cette forme (Tableau 1). La liste se compose d’un nombre d’opérations essentielles (sélection, qualification, ordonnancement, mémorisation) et de composantes qui traduisent graphiquement à l’écran ces opérations et leur agencement. La suite d’items qui la caractérise se forme à partir d’une juxtaposition séquentielle discontinue de ces items (Sève, 2010) à partir d’un critère de sélection et opérée essentiellement par un mouvement d’ajout/suppression au niveau du texte « etc. » qui délimite la liste.

Analyse générique de la forme-outil liste

Sémiotisation (forme éditoriale)

Affordance (forme opérationnelle)

Toolkit de la participation

Caractérisation

Item

Sélection

Instructions

Définition générique de la liste par le dispositif

Séquence

Qualification

Complexité

Scénarios d’usage prévus par le dispositif

« Etc. »

Ordonnancement

Généricité

Traces d’usage (formes génériques et scénarios produits)

Énonciation

Mémorisation

Évaluation

Logiques et outils du détournement

Dépassement (autres composantes et fonctionnalités)

 

Interopérabilité/Adaptabilité

 
   

Logistique (répartition des rôles et des tâches en vue d’un objectif)

 
   

Ressources produites (formes, protocoles, persona)

 


Tableau 1. Grille d’analyse de la liste comme forme générique au sein des plateformes.

Ce modèle nous guide dans l’analyse de la liste comprise comme une boîte à outils proposée par les plateformes au service de la participation, au sens explicité plus haut. Concrètement, nous observons la caractérisation interprétative des listes, qui sont à la fois des formes éditoriales et des outils conçus pour la participation. Nous utilisons ce terme au sens de Bachimont (2010, p.58) qui la décrit comme le degré de différenciation de toute forme actualisée du modèle abstrait. Dans cette perspective générique, nous tenons compte du niveau d’encadrement de l’outil, et de celui de l’actualisation de la forme qui en dérive, qui s’opère sur deux niveaux : par la forme proposée à l’utilisateur avec des possibilités de différenciation (via l’architexte, champs de saisie plus ou moins libres ou automatisés, composante logicielle, le péritexte d’instructions) et par les productions des utilisateurs à partir de cette première actualisation, analysées à partir des traces d’usage. La question de la littératie, en ce sens, concerne la tension, relevée dans la figure de l’utilisateur-participant, entre la mise à disposition d’une boîte à outils et la valeur produite par son appropriation (formes produites, mise en place de nouveaux protocoles d’utilisation, développement de compétences, etc.).

Interprétations génériques des listes de recommandation culturelle de Goodreads

Créée en 2006, la plateforme Goodreads se présente comme un dispositif de recommandation de lectures à partir d’une logique de réseau social de partage d’avis et de choix de lectures personnelles des utilisateurs. Elle rejoint d’autres plateformes de notre corpus en contexte littéraire (Babelio, LibraryThing, Decitre, Livraddict) par sa nature plurielle de catalogue social, d’outil de gestion des lectures personnelles (bibliothèque personnelle) et de site de « curation » (de sélection, d’éditorialisation et de partage) ou de recommandation de livres, audiolivres, bandes dessinées, mangas, romans graphiques. Dans ce type de plateforme, « des acheteurs recenseurs ajoutent de la valeur au travers de leurs critiques, de leurs notes de lecture et de leurs recommandations » (Casilli, 2019). Goodreads - et c’est un phénomène observable à plusieurs niveaux pour les autres plateformes du corpus - enrichit ce système de création de valeur avec un appareillage de listes qui organisent une pluralité d’activités ludiques (les prix), éditoriales (les listes de recommandation), documentaires (les collections) de lecture (les défis de lecture, les List Challenge) et sociales (les classements collectifs). Une deuxième spécificité de la plateforme - il s’agit cette fois-ci d’une tendance qui n’est pas partagée par l’ensemble du corpus - consiste en son organisation architecturale de l’information. La plateforme prévoit, en effet, un espace d’exploration et de recommandation de lectures qui regroupe un grand nombre des listes produites. Cet espace, appelé « Listopia » ou le « lieu des listes », est classé sous l’onglet « Browse » et accessible à partir de la page d’accueil (Figure 1).

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Figure 1. Page de la section dédiée aux listes dans la plateforme Goodreads (2020, 20 juillet).

La Listopia List

Dans cet espace, deux types de listes sont proposées à l’utilisateur : la « List  Challenge », d’abord, est proposée par les utilisateurs qui ont atteint le statut de bibliothécaire (« Goodreads Librarians ») et qui jouent le rôle de modérateur et d’animateur des communautés. Les autres utilisateurs peuvent indiquer les livres de la liste qu’ils ont lus, comparer les résultats avec d’autres lecteurs et émettre des commentaires. La « Listopia List », ensuite, peut être créée par n’importe quel utilisateur et permet aux autres lecteurs de participer via un système d’ajout de livres et d’ordonnancement lié au vote. En ce sens, la liste sert d’outil logistique[7] d’organisation et de gestion des éléments et des rôles des participants (Tableau 2). Parallèlement à un type de liste collective similaire proposée par une autre plateforme de notre corpus, SensCritique, la Listopia List de Goodreads fournit un exemple particulièrement intéressant de liste car elle implique de manière évidente des dynamiques participatives explicitant des dynamiques plébiscitaires de sélection des contenus dans le fonctionnement de certaines listes « éditoriales » et « éditorialisées ».

Rôle

Forme éditoriale

Tâche

Outil et « lieux » d’action

Créateur (toujours au singulier)

Nom de l’utilisateur et hyperlien à la page du profil

Vérification de la validité et de l’originalité de la liste, définir les éléments de qualification de la sélection, première ossature de la liste via sa sélection

Outil automatisé de vérification des titres existant, titre, descriptif, tag, fonction « edit », vote (catalogue personnel, moteur de recherche), commentaire

Modérateur.s (le.s Goodreads librarians)

Nom d’utilisateur et icône de l’image profil au niveau de la signature du commentaire

Correction (éditer des contenus), suppression des items, explication des bonnes usages

Fonction « edit », commentaire

Votant.s

Liste des profils des votants, liste des profils des amis ayant voté

Recherche et ajout de livres, crowdsourcing

Vote (catalogue personnel, moteur de recherche), commentaire, like, liste d’amis

Abonné.s

Liste des profils qui aiment la liste accessible sur une page à part via un hyperlien

Appréciation, suivi (valorisation)

Like/unlike, suivre le fil des commentaires

 


Tableau 2. Distribution des rôles dans la Listopia List.

La Listopia List propose à l’utilisateur un haut degré de personnalisation - les champs de saisie correspondant aux éléments de qualification de la sélection (titre, descriptif et tags) sont tous libres - et demande une pluralité de compétences -  en témoignent la difficulté d’utilisation dont se plaignent les lecteurs en commentaire ou dans les descriptifs des listes, l’activité de modération nécessairement demandée aux Goodreads Librarians ponctuellement communiquée dans les commentaires et le grand nombre de listes « mortes » qui peuplent Listopia. Un effort important d’encadrement se situe au niveau du dispositif et au niveau des utilisateurs via les instructions d’utilisation au niveau de l’architexte de création, via les contraintes techniques d’un logiciel qui permet de vérifier la présence de doublons et qui bloque la création de listes déjà existantes ou la limite d’une liste par jour par utilisateur (Figure 2) ou via des pratiques d’échange et d’encadrement d’usage entre lecteurs dans le titre, le descriptif ou les commentaires. La plateforme définit cette liste comme une collection ordonnée collectivement, à mi-chemin entre une classification et un classement, les deux opérés de manière collective. Le modèle de liste proposé par le dispositif est celui d’un florilège, ou « Best of », pour lequel les lecteurs votent collectivement selon un critère de sélection librement choisi. Un enjeu de curation et de gamification motive la participation.

Figure_2-Goodreads_02-12-2022.png

Figure 2. Architexte de création de la Listopia List (2022, 2 décembre).

Détournements logistiques, sociaux et fonctionnels de la forme

Nous analysons quatre cas paradigmatiques de scénarios[8] de listes produits par les participants : le sondage, la recommandation personnalisée, les listes de groupes de discussion et les listes statiques. La série de listes What Women Born in the 90's Have Read in [Année] en premier lieu, s’inspire d’une série qui la précède, What We Have Read So Far in [Année], et interroge les lectures d’un sous-groupe de membres de la communauté de lecteurs sur une année. La série débute en 2010. Elle est alimentée au rythme d’une liste par an. Elle donne vie à diverses adaptations pour différents sous-groupes de lecteurs. Le créateur de la liste varie selon les années et, au sein de chaque liste, une suite d’hyperliens permettant d’accéder aux « éditions » de la liste des années précédentes (quelques fois, suivantes) contribue à la consolidation d’un protocole et d’un écosystème « communautaire » propres à la liste. Cette liste a la particularité de réinterpréter de manière innovante certaines fonctionnalités déjà présentes dans la Listopia List : la possibilité d’employer la liste comme un crowdsourcing est détournée par des stratégies de limitation des profils, via des instructions au niveau du titre ou du descriptif, pour cibler le public auquel s’adresse la question. Cela représente une interprétation de l’architexte et de la technologie du vote, notamment, en dépit du péritexte d’instruction qui conseille un usage en forme de classement collectif de type Best of.

En deuxième lieu, une restriction analogue, portant cette fois sur le destinataire de la liste, est opérée sur un type de liste très populaire suivant le modèle du « What Should I Read Next ?  » (« Ma prochaine lecture », en français) et détourne le caractère collectif du classement en vue d’une recommandation personnalisée. Ce type de détournement s’opère également dans des listes de « filtrage » de la recommandation personnalisée : une pratique courante consiste à transposer les listes de recommandation reçues au sein d’autres dispositifs et à demander à la communauté de s’exprimer via un vote ou un commentaire sur cette recommandation. Il est demandé aux lecteurs d’utiliser la fonction Vote et non la fonction Ajout. Il s’agit d’un classement et non d’une alimentation de la collection. Le cas de Booktube recommandation books, une série de listes répondant à cette dynamique qui transcrit sur Goodreads les recommandations du site Booktube, montre à quel point l’écrilecture au sein des plateformes se fait non seulement à partir de l’architexte, du péritexte d’instruction et des dynamiques de sociabilité internes à la plateforme (instruction, exemples, interaction avec la communauté), mais aussi à partir d’une communauté dépassant la seule plateforme, impliquant des usages trans-plateformes, dans lesquels l’utilisateur réinvestit l’interprétation des formes.

Cette tension entre plateforme et navigation transversale reflète une dimension environnementale de ce genre de dispositif. Il s’agit en effet d’une tendance observée dans  la plupart des dispositifs de notre corpus: s’il est évident que le niveau de caractérisation interprétative des formes résultantes dépend principalement de : (1) la caractérisation de la plateforme dans son entièreté (les enjeux, le ton, le public auquel elle s’adresse) ; (2) la caractérisation de la forme au niveau de son architexte ; (3) le positionnement de la forme au sein du dispositif qui en encadre la fonction et la facilité d’accès et, plus généralement, les logiques syntaxiques qui lient la forme à d’autres formes et qui la placent au sein du dispositif ; elle semble dépendre également d’une logique environnementale, ou logique d’écosystème, à même de guider les pratiques et les interprétations des formes (4).

D’après la typologie proposée, la restriction de la liste des participants peut intervenir uniquement sur les votants (sondage), sur les destinataires (recommandation personnalisée) ou sur les votants et les destinataires à la fois, dans les cas où la liste est produite pour servir d’outil à un groupe de discussion spécifique. La liste Popsugar 2023 #39 - A Book You Wish You Could Read For the First Time Again (Figures 3.1 et 3.2) fait partie d’une série de 40 listes qui servent essentiellement de crowdsourcing et de recommandation de lecture pour un groupe de discussion autour d’un défi de lecture proposé par le média PopSugar. Le groupe de discussion prévoit également une discussion autour de l’utilisation des Listopia Lists, appelée “LISTOPIA TIPS”, qui permet la mise en place d’une dynamique de groupe autour du challenge de lecture. Il en résulte des instructions très précises et rigoureuses sur les descriptifs des listes créées.

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Figure 3.1 Première partie d’une page d’écran d’une « Listopia List » (2022, 2 décembre).

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Figure 3.2 Seconde partie d’une page d’écran d’une « Listopia List » (2022, 2 décembre).

Le quatrième groupe de listes analysé se compose des listes statiques où la participation des votants est invoquée au sens d’un respect de la conception statique de la liste, à l’aide d’injonctions du type: “Prière de ne pas voter pour ne pas modifier l’ordre chronologique des items de la liste”. C’est le cas des listes « éditoriales » d’enrichissement de l’indexation, à savoir des listes regroupant des livres appartenant à une même collection et / ou à une même maison d’édition. De manière analogue aux listes produites pour des groupes de discussion, une pratique diffusée prévoit de connecter la liste à la page d’indexation d’un livre, notamment dans la partie rédactionnelle de description, et de contextualiser le livre dans un discours éditorial élargi. Cette pratique agit également comme une prescription de création de listes. La forme détermine des relations spécifiques entre contenus et acteurs ainsi que le déploiement des activités qui la créent et l’alimentent, un aspect relevant de la dimension logistique de l’écrit (Jeanneret, 2007). Ces exemples mettent en lumière une combinatoire possible de l’interprétation fonctionnelle de l’outil et du jeu sur les rôles assignés aux participants. Toute caractérisation générique implique un tel jeu sur la répartition des rôles et des tâches. Toute création d’une nouvelle liste nécessite, en ce sens, une instruction pour les votants, la proposition d’un scénario de participation dérivée d’une interprétation des listes existantes (et de listes qui peuvent exister en dehors de la plateforme) et de leur architexte de création, ce qui relève d’une dimension de gouvernance de l’outil sur les participants.

Les séries de listes observées montrent qu’une interprétation technique de l'outil est à l’œuvre dans ces productions dans une logique de réponse à un manque de service et d’interprétation au niveau de la forme du dispositif dans son ensemble. Il s'agit de productions « cohérentes » répondant à des besoins d’utilisation d’ordre personnel ou communautaire. L’utilisateur interprète en ce sens la forme au sein d’une syntaxe de la plateforme comprise dans son entièreté.

Elles montrent, également, à quel point les scénarios doivent pouvoir être stabilisés et, surtout, communiqués aux participants, en un mot inscrits dans les espaces de la liste ou du dispositif, ce qui relève d’une dimension sociale du toolkit. La mise en place d’un protocole (scénario) partagé comme restructuration des processus participatifs demande nécessairement des pratiques de stabilisation (à travers l’hyperlien qui renvoie aux « éditions » précédentes de la série, par exemple) et de partage de tels protocoles (via le groupe de discussion qui organise les activités, les instructions dans le descriptif de la liste, par exemple) en lien avec une topographie spécifique qui se crée des lieux d’inscription de ces instructions (titre, descriptif, topics de discussions, pages d’indexation). Cette logique d’encadrement pour la répétabilité du protocole s’accompagne d’une logique d’imitation ou d’émulation (une fois que l’imitation est portée par un sentiment de compétition) du « tout est un exemple » qui pousse les utilisateurs à s’inspirer des listes existantes. La composante sociale (de transmission, de retour d’expérience d’utilisation) du toolkit se fragmente ainsi s’inscrivant à plusieurs niveaux de la succession d’écrans qui composent les listes. De manière générale, nous observons une adaptation de cette dimension d’échange et de partage à la nature processuelle de l’écriture numérique dans la figure de la rétroaction et d’une écriture de la liste qui devient dialoguante au sens de Caffari & Mohs (2018), continuellement soumise, une fois créée, à des opérations d’ajout, de suppression d’items ou de ré-ordonnancement.

Un phénomène marquant observé à ce niveau est la constitution de « communautés de listants » où les trois niveaux de l’apprentissage de la forme (instruction, exemple, interaction) sont continuellement ré-actualisés (tout comme les listes, qui sont, elles aussi, ré-actualisées tous les cinq minutes) et où nous retrouvons les dynamiques d'entraide et de pédagogie propres aux communautés d’amateurs (Severo et al., 2022). Ces « lieux des listes » apparaissent  au sein d’un grand nombre de plateformes sous forme d’onglets entièrement dédiés aux listes et outillés de toutes les composantes de partage, commentaire et évaluation des formes. Cette disposition syntaxique conditionne fortement la production formelle et crée des effets de spécialisation autour de la forme : la reproduction de la même forme influencée par la tendance spécifique de l’écriture numérique (Crozat et al., 2011) à la reproductibilité (clonabilité, programmabilité) et par l’injonction à la production textuelle entraîne des résultats très variés, qui vont de la reproduction rapide à un certain degré de créativité lié à la réitération et à la réflexivité.

Le niveau de la génération des dispositifs info-communicationnels

L’étude du phénomène de plateformisation dans le domaine culturel montre que celui-ci s’effectue selon différentes modalités et à travers une montée en généricité de certaines fonctions, à la fois de manière interne mais également de manière transverse aux outils (Payeur & Chupin, 2020). Une recomposition s’opère et certaines fonctions sont ré-exploitées par d’autres plateformes ou permettent la génération et l’évolution interne de la plateforme. Le travail effectué sur ce sujet a été mené dans le cadre du projet ANR-Collabora, qui vise à étudier d’un point de vue théorique les plateformes contributives dans le domaine culturel, au sens large du terme, avec pour objectif “la co-création de recommandations et leur validation à travers la co-création d’une plateforme, en engageant dans cette démarche les principaux acteurs du projet: les institutions, les amateurs, les chercheurs et les ingénieurs”[9].  Différents projets ont été menés de 2019 à 2022 par les étudiants du Master DEFI[10] de l’Université Paris Nanterre, sous notre encadrement, et portaient sur: la construction d’une base de données de référencement des plateformes en vue de la mise en place d’un observatoire participatif[11], une étude sur les outils de génération des plateformes, à partir de l’observatoire, dans un objectif de catégorisation, une étude pratique sur la comparaison des modalités de participation sur différentes plateformes contributives culturelles, avec pour but l’enrichissement des données de l’observatoire, et une analyse sur la catégorisation des formes génériques/spécifiques de manière interne aux plateformes.

Différentes manières de « faire plateforme » relatives au phénomène de plateformisation ont été relevées, liées à différentes recompositions, mutualisations ou mises en commun.  Il apparaît que certaines plateformes génériques du web social sont détournées et appropriées par des acteurs porteurs de projets spécifiques, afin d’être mises au service de la participation. Les réseaux sociaux viennent enrichir les plateformes participatives[12], à la fois comme outil de communication, mais aussi comme outil de recrutement d’utilisateurs, de collecte de matériaux et d’animation d’une communauté, fournissant un milieu que l’utilisateur s’approprie facilement, puisque les usages lui en sont familiers. C’est le cas, par exemple, du projet Vitrines en confinement[13] et de L’observatoire participatif du risque canicule[14], auxquels des pages Facebook particulièrement actives viennent s’adosser. Une autre logique de plateformisation émerge au sein de certaines plateformes monothématiques ou dédiées à projet unique et prend la forme de différents projets réalisés parallèlement ou successivement à partir d’un ensemble d’outils communs aux différentes missions. C’est le cas des projets participatifs de transcription d’archives Testaments de Poilus[15] ou du projet Recolnat[16], porté par le réseau de collections naturalistes. Une logique différente, encore, est celle de l’ouverture d’une partie des outils aux internautes (la génération par CMS d’un programme participatif, certains outils de communication, par exemple) offrant une forme de communication du discours scientifique assez standardisée. La plateforme participative multidisciplinaire Zooniverse[17], permet par exemple aux utilisateurs, à l’aide de  la fonctionnalité “Construire un projet”, de répondre à des demandes issues de différentes disciplines en créant de nouveaux projets au fur-et-à-mesure des besoins. Enfin, une logique de plateformisation par agrégation de projets et de données est identifiable, à l’instar de la plateforme Digital NZ[18], qui a pour vocation la numérisation et la valorisation du patrimoine culturel néo-zélandais. Dans cette plateforme, chaque utilisateur est invité à rattacher le projet spécifique qu’il a conçu à un portail générique. Le processus à l’oeuvre opère à un double niveau: on observe à la fois l’évolution d’une plateforme initialement monothématique et fortement contributive vers un portail d’agrégation documentaire avec une ré-éditorialisation sous forme de collection et une catégorisation des documents inscrites dans un projet global, et à la fois, un déplacement des fonctionnalités contributives spécifiques au niveau de chaque projet et une grande variété des projets agrégés.

Il apparaît qu’une partie des plateformes étudiées proposent un haut niveau de généricité et peuvent être ré-utilisées ou ré-investies pour répondre à des problèmes identiques ou connexes. La notion de généricité s’entend ici au sens premier d’abstraction (générique/particulier) mais également au sens d’invariant (motif/pattern) ou au sens de ré-exploitable, c’est-à-dire liée à la génération des plateformes. Lorsque le niveau de généricité est fort, les plateformes portent en elles des potentialités créatives, facilement appropriables - puisque transverses - par des utilisateurs qui peuvent devenir actifs dans le renouvellement de la plateforme dans une logique d’innovation présente à partir du moment où l’invention, qu’elle porte sur la solution ou sur le processus, va être reproduite et réutilisée pour répondre à d’autres problèmes similaires. Elle constitue un acquis qui bénéficie à une communauté  (Zacklad et al., 2021).

Le degré de généricité des plateformes entre en lien avec les potentialités créatives de l’outil, mais aussi avec la composition d’un milieu dans lequel l’utilisateur est habile. Au niveau de la génération des outils, la différenciation se fait dans le choix d’une manière de développer la plateforme, c’est-à-dire dans le choix d’un outil spécifique ou l’utilisation d’outils génériques paramétrables (CMS, par exemple). L’étude des outils de génération de plateformes menée en 2020[19] montre qu’une plateforme sur deux[20] est développée à l’aide d’outils génériques, ce qui apporte aux utilisateurs une familiarité avec les usages et les fonctionnalités d’écriture/lecture de ces outils et facilite leur appropriation,  mais aussi, nous l’avons vu ci-dessus, entraine des capacités d’action et notamment de création. Le caractère générique de ces outils  contraint  bien à une certaine standardisation des projets, mais, en même temps, il permet l’interface des outils entre eux, dans un dispositif numérique plus global au sein duquel l’utilisateur sait agir, participer, et même au-delà, qu’il contribue à renouveler et à créer.

Ce dernier point, l’interface entre les différents outils numériques au sein du dispositif, et à travers lesquels l’utilisateur transite et agit, paraît primordial. Les fonctionnalités très génériques, communes à l’ensemble des plateformes,  comme la communication, l’information, la contribution ou la publication de contenu, peuvent être assurées par les outils génériques (web social, CMS etc.). Elles sont, dans le même temps, interfacées à des fonctionnalités spécifiques, plus souvent liées au business modèle (nous pensons à la boutique en ligne de la galerie d’art contributive Deviant Art[21]) ou à des fonctionnalités de contribution poussées (comme la transcription, pour les plateformes Transcribe Benthaim[22] ou Transcrire[23], par exemple). Lorsque cette interface est efficace, l’outil générique vient à l’appui de la plateforme spécifique (c’est le cas, par exemple, pour la plateformes Histoires de Ch’tis[24] qui a peu évolué depuis sa création, mais à laquelle une page Facebook[25] fournit désormais un réel outil d’animation de la communauté). Dans cette perspective, il convient de considérer le dispositif global, au-delà de la plateforme, et, selon les projets, de penser les éléments de son interfaçage, avec un curseur à positionner entre des lignes génériques communes aux outils et des lignes spécifiques aux différents projets.

Vers une dimension créative de la littératie numérique des plateformes de critique culturelle

À travers ces analyses, nous mettons en évidence le fait qu’à différents niveaux, allant du texte aux outils interfacés, les caractéristiques de ce type de plateformes participatives appellent des compétences nouvelles de la part de l’utilisateur. Selon le degré de liberté et le niveau de généricité de l’outil, lié fortement au concept de genre, l’utilisateur tend à devenir le propre générateur de son milieu, au sein d’un cadre et d’un dispositif donnés. Ces compétences viennent compléter les modalités de compréhension et de participation (lecture/écriture) constituantes de  la littératie numérique. La mise en réseau d’utilisateurs identifiés et reliés sur les réseaux sociaux permet l’interface entre des outils existants au sein d’un dispositif plus global. Elle s’appuie sur la manipulation de formes graphiques au fort caractère générique et au pouvoir générateur, comme celle de la liste, et sur des dispositifs dont la dimension générique permet des recompositions nouvelles entre les outils dans une logique de plateformisation. Nous voyons s’esquisser les contours d’un écrilecteur-designer, à l’interface des plateformes et des formes, possédant et développant des savoir-faire largement issus de diverses disciplines[26], capable de  développer des pratiques relevant à la fois de l’amateur professionnel ou pro-am (Leadbeater & Miller, 2004) et du rôle du concepteur, rendues possibles par le niveau de généricité des outils mobilisés et par leur intégration avec d’autres dispositifs existants dans une « unité de devenir » (Simondon, 1958, p. 20).

En interrogeant le niveau des formes et des pratiques discursives à travers le prisme de la liste, nous constatons que la tension entre le toolkit et ses appropriations par les utilisateurs relève d’une dynamique générique: celle de la production de texte à partir d’un ensemble d’autres textes qui jouent un rôle d’exemple ou de modèle, précurseur et prescripteur. L’analyse révèle la nature triangulaire de cette tension entre l’historique des caractérisations interprétatives de la forme, son niveau générique et ses usages. Ces usages s’exercent pourtant via des dynamiques discursives complexes au niveau de la plateforme elle-même et au niveau trans-plateforme[27]. Les trois pôles de cette tension générant le texte peuvent être considérés comme trois interprétations textuelles (Schaeffer, 1989): l’ensemble des interprétations précédentes, d’abord, mobilisables par les concepteurs ou par les utilisateurs-concepteurs, l’interprétation faite par le dispositif, ensuite, qui se positionne comme une interprétation générique via son inscription au niveau de l’architexte, et l’interprétation des formes produites par les utilisateurs, enfin. De l’interaction des deux premiers groupes d’interprétation et de la façon « d’habiter » le dispositif de l’utilisateur, à la fois dans une dynamique de besoin/ressource et dans une dynamique communautaire et dialoguante (Caffari et Mohs, 2018), dépend la conception de scénarios d’utilisation innovants et partagés au troisième niveau interprétatif. Dans un tel contexte de passage des formes génériques de participation à une génération participative de ces mêmes formes, l’usager avec sa littératie, défini avec la figure de l’écrilecteur-designer, se révèle essentiel aux processus de caractérisation de ces formes et comme résultat de ces mêmes processus. Celui-ci devra posséder à la fois des compétences graphiques de composition de formes, des compétences logistiques de distribution et de gestion des rôles, des compétences techniques d’utilisation de l’outil et de conception de scénarios d’utilisation et des compétences sociales de transmission et clarification de ces mêmes protocoles.

Introduire la question du design des plateformes nous permet d’approcher  la dimension participative sous deux angles complémentaires: « faire participer » et « participer ». Un telle  complémentarité reflète la dimension « paradoxale » (Proulx, 2020) de toute forme d’injonction à la participation ou de son organisation. Ces angles d’approche correspondent, d’un côté, au point de vue du chercheur impliqué dans une démarche de recherche-action, qui théorise dans une perspective opérationnelle (Crozat et al., 2011), analyse et oriente la mise en place de dispositifs numériques, et d’un autre côté, au point de vue de l’usager comme sujet de l’action pris en compte dans ses pratiques concrètes et socialisées de lecture et d’écriture. Les trois capacités à comprendre, utiliser et à créer des écrits sur des supports numériques, correspondent, dans la perspective d’une littératie numérique, au développement d’une intelligibilité et d’une maîtrise du numérique (Bachimont, 2010, p.63) résultant d’une posture scientifique face au dispositif technique. La conception de telles plateformes devrait, à notre sens, tenir compte, dans un contexte de plateformisation et de basculement vers la participation des dynamiques de production de texte, de son élargissement au point de vue de l’usager. Il s’agirait de penser la plateforme comme le milieu d’une littératie proposée à l’utilisateur avant son appropriation, structurée via un ensemble d’outils constitué de formes et d’agencements spécifiques de ces formes générant, en plus du texte, à la fois un savoir et un savoir-faire sur le plan de l’écrilecture et de la conception. Cette question est liée à celle de la formalisation de la participation, de sa structuration, des outils proposés pour son actualisation et son développement et comprend une interrogation sur la montée en généricité des plateformes et des formes conçues pour la participation.

La littératie numérique, corrélativement à la littératie traditionnelle (Goody, 2017), élargit la question de l’intelligibilité et de la maîtrise du numérique à une dimension sociopolitique : celle de l’impact du développement de ce savoir/savoir-faire et de ce pouvoir/pouvoir-faire au sein de nos sociétés et de l’impact sur les modalités elles-mêmes de production du savoir et de redistribution de pouvoir, de l’éditorialisation comprise comme « la façon de produire des savoirs à l’époque numérique » (Vitali-Rosati, 2016) au sein des plateformes. Par l’action de transformation de la participation sur sa propre structure implicite à tout processus de participation (Kelty, 2012), le web participatif des plateformes fait glisser naturellement la question de la génération des formes de la participation vers celle d’une génération participative de ces mêmes formes, dans un déplacement vers le point de vue de l’usager, de son expérience de participation et de son pouvoir d’agir. 

Les premiers éléments relevés dans cette analyse, abordée sous l’angle de la littératie, ouvrent des pistes de travail vers l’élaboration d’une méthodologie de conception des plateformes participatives culturelles prenant en compte la figure d’un écrilecteur-designer confronté à différents niveaux de caractérisation, de complexité, d’intégration, de génération et d’accessibilité d’un dispositif info-communicationnel constitué de formes, de plateformes et d’outils interconnectés, comme autant de  milieux ouverts permettant la participation et la production de connaissances nouvelles, dans lesquels l’utilisateur apprend, contribue et crée.

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Zacklad, M., Catoir-Brisson, M.-J. (2021). Culture de la conception et du design dans la recherche-intervention en SHS. Revue française des sciences de l’information et de la communication 23. https://doi.org/10.4000/rfsic.11860

Zacklad M., Arruabarrena B., Berthiniet-Poncet A. et al. (2021). Les labs d’innovation interne : typologie des innovations, approche plateforme, rôle du design. Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC), 2021/1 (N° 2). 10.3917/atic.002.0127

Zittrain, J. (2008). Generativity: The Future of the Internet-And How to Stop It. Yale University Press.


Notes 

[1] Nous parlons de « dispositif » au sens plus général d’une organisation matérielle et spatiale capable de produire et déterminer un devenir selon la définition de Bachimont (2010) qui l’associe à sa spécificité technique. Avec le terme « plateforme » nous entendons, comme précisé ensuite, une déclinaison particulière de dispositif technique conçu pour le gouvernement de l’action collective, finalisé à la production de ressources.

[2] Lancé en avril 2019, le projet porte sur un corpus de plateformes contributives culturelles analysées selon plusieurs points de vue.

[3] Nous faisons abstraction, dans ce travail, du troisème ensemble canonique de significations liées à la notion de genre et des tensions, notamment, entre genre, sexualité et langage relévées par l’épistémologie féministe et queer.

[4] En programmation, la généricité (ou programmation générique), consiste à définir des algorithmes identiques opérant sur des données de types différents. On définit de cette façon des procédures ou des types entiers génériques. Wikipédia (2022, 2 décembre). Généricité. Consulté le 3 décembre 2022 sur https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9ricit%C3%A9"">https://fr.wikipedia.org/wiki/Généricité.

[5] Pour éviter toute dérive ontologique du discours sur le genre que nous proposons au sein de ce travail, nous en adoptons une approche textuelle (Schaeffer, 1989) qui considère le genre comme un acte de langage et où la transcendance du genre par rapport au texte singulier peut être reconduite à la matérialité discursive d’autres textes qui se font porteurs d’un rôle originaire/précurseur et/ou prescripteur. En ce sens, l’architexte lui-même est un texte écrit par des hommes (le numérique c’est de l’humain, Souchier et al., 2019).

[6] D’après Bachimont (2010), la spécialisation fonctionnelle relève de l’automatisation de l’outil qui s’opère de manière évidente en contexte numérique : un outil est employé de manière répétée et programmée pour la même fonction.

[7] Au sens de Jeanneret, qui aborde l’écrit comme un complexe indissociable de logistique et de sémiotique. [Du point de vue logistique] il fixe des relations et réalise des chaînes entre les acteurs. (Jeanneret, 2007).

[8] Nous appelons scénarios ou protocoles, des scripts réitérables de composition, alimentation et inscription de listes au sein de la plateforme. Ils se composent d’instructions et de pratiques suffisamment stabilisées pour être réemployées par la collectivité au sens des « frozen policies » de Bowker & Star (1999).

[9] Site du projet ANR-Collabora. Consulté le 6 décembre 2022 sur https://anr-collabora.parisnanterre.fr/

[10] Université Paris Nanterre. (2022, 20 juillet). Master 2 professionnel - Documents Électroniques et Flux d'Informations. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://master-defi.parisnanterre.fr/.

[11] ANR Collabora - Plateformes culturelles contributives. (2022, 20 juillet). L’observatoire. Consultée le 20 juillet 2022 sur https://anr-collabora.parisnanterre.fr/index.php/observatoire/.

[12] OPRIC. (2020, 20 juillet). Observatoire Participatif du RIsque de Canicule. Consultées le 20 juillet 2022 sur http://risquecanicule.fr. Vitrines en confinement (2022, 20 juillet) et Défi collaboratif « Nos vitrines parlent à l’heure du confinement ». Consulté le 20 juillet 2022 sur https://vitrinesenconfinement.gogocarto.fr/.

[13] Facebook. (2020, 20 juillet). Vitrines en confinement. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://www.facebook.com/groups/vitrinesenconfinement/.

[14] Facebook. (2020, 20 juillet). OPRIC. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://www.facebook.com/opric.gard/"">https://www.facebook.com/opric.gard/.

[15] Testaments de Pouilus. (2022, 20 juillet). Testaments de Poilus. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://edition-testaments-de-poilus.huma-num.fr/.

[16] Recolnat. (2022, 20 juillet). ReColNat. Consultées le 20 juillet 2022 sur https://www.recolnat.org/fr/.

[17] Zooniverse. (2022, 20 juillet). Zooniverse. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://www.zooniverse.org/.

[18] Digitalnz. (2022, 20 juillet). DigitalNZ. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://digitalnz.org/.

[19] Alves Sandra, Chepaikina Anna, Daubier Laurine, Seck Papa Djiga, et Selhaoui Elias, Rapport de projet de fin d’études en vue de l’obtention du Master DEFI, soutenu le 12 juin 2020 à l’Université Paris Nanterre, encadré par Cécile Payeur.                                              

[20] Sur un panel de 88 plateformes étudiées, il apparaît que 30% d’entre elles ont été développées de manière interne avec un framework spécifique (AngularJS, Django, Scribe), 30% à l’aide de CMS génériques (Wordpress, Drupal, Omeka), 20% à partir d’autres outils ou de projets ouverts (Wikis, réseaux sociaux, blogs) et qu’aucune information n’était disponible  pour 20% d’entre elles.

[21] DeviantArt. (2022, 20 juillet). DeviantArt. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://www.deviantart.com/shop/.

[22] Transcribe Bentham. (2022, 20 juillet). Transcribe BenthamConsulté le 20 juillet 2022 sur https://www.ucl.ac.uk/bentham-project/transcribe-bentham.

[23] Transcrire. (2022, 20 juillet). Transcrire. Consulté le 20 juillet 2022 sur https://transcrire.huma-num.fr/.

[24] Histoires de Chtis. (2022, 20 juillet). Histoires de Chtis. Consultées le 20 juillet 2022 sur http://www.histoires-de-chtis.com/.

[25] Facebook. (2022, 20 juillet). Histoires de Chtis. Consultées le 20 juillet 2022 sur https://www.facebook.com/groups/histoiresdechtis/about/.

[26] Les sciences de la conception regroupent un très grand nombre de disciplines scientifiques ou artistiques qui ont pour point commun, non pas la découverte de lois naturelles générales, mais la création d’artefacts (...). Ces disciplines incluent notamment les sciences de l’ingénieur, la médecine, les sciences de gestion, les disciplines artistiques, l’architecture, la pédagogie, l’ergonomie, la sociologie des usages… et bien sur la science du design, qui tout en s’alimentant aux autres disciplines développe une approche spécifique. (Zacklad & Catoir-Brisson, 2021).

[27] Une dimension fragmentée et environnementale du toolkit se dessine: exemples d’utilisation et directives d’utilisation se retrouvent à plusieurs endroits en dehors de la seule plateforme et se conditionnent mutuellement dans leur conception.

  

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