L’avènement des Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation, comme processus de plateformisation de la filière de l’hébergement/logement ? Entre ruptures et continuités

Plan de l'article

 

Auteur

Christelle Achard

ACHARD Christelle

Doctorant en Sociologie                                                               
CERREV UR3918     
 
Université de Caen Normandie
Espanade de la Paix
CS 14032
14 032 Caen Cedex 5
France
 

 

Citer l'article

Achard, C. (2024). L’avènement des Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation, comme processus de plateformisation de la filière de l’hébergement/logement ? Entre ruptures et continuités. Revue Intelligibilité du numérique, 5|2024. [En ligne] 
https://doi.org/10.34745/numerev_1949

 

 

Résumé : Les Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation [SIAO], créés en France 2010, sont chargés de réguler à l’échelle départementale les offres et demandes d’hébergement. Ces plateformes sont reflets et vecteurs de transformations profondes dans la gestion sociale de la « question SDF » , mais participent en même temps à la perpétuation de certaines tendances historiques du traitement social de la pauvreté.
Nous nous inscrirons dans une perspective constructiviste, pour questionner les implications de la montée en puissance des SIAO aux échelles sociales, institutionnelles et relationnelles. L’enjeu scientifique ici étant d’allier données issues d’évaluations menées aux échelles nationale/régionale/départementale avec nos observations de terrain. Nous nous appuierons sur deux brèves expériences immersives (observation participante) auprès d’équipes d’un SIAO urgence (2016) et d’un SIAO insertion d’Île de France (2017) et sur une expérience d’assistante de service social de huit années dans le secteur de l’hébergement/logement (participation observante, 2016-2022, Île de France).

Mots-clés : Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation, plateformes, travail social, question SDF, régulation.

Abstract : Integrated Services in Hospitality and Orientation, named SIAO, were created in France 2010. They have to regulate shelters supplies and demand in each French department. These platforms participate in transforming homelessness social administration.At the same time, they contribute to perpetuate historic tendencies in poverty social treatment.
We will adopt a constructivist approach, to question increasing SIAO implantations in social, institutional and relational dimensions. The scientific aim is to consider national, regional and departmental studies as well as our own observations. We will consider two short immersive experiences with Ile de France SIAO teams (observating participation 2016, 2017) and our social worker experience in shelters for homeless people (participating observation 2016-2022).

Keywords : Integrated Services in Hospitality and Orientation, platforms, social work, homelessness question, regulation.

 

Les SIAO, précurseurs de l’essor des plateformes dans le secteur social et médico-social ?

Depuis les années 2000, en France, nous assistons au développement du modèle des plateformes dans le secteur social et médico-social. Cette tendance trouve son origine dans le changement de modèle initié par la loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale (Bauduret, 2017). Cette dernière marque une transformation radicale dans la conception et l’organisation du secteur. Il s’agit désormais de proposer à l’« usager citoyen» un « parcours » (Loubat, 2013) modulable, coordonné et ajusté à ses besoins, au sein d’établissements et services diversifiés, marqués par un mouvement d’ouverture et de désinstitutionnalisation (Hirlet, P. & Pierre, 2017), et dont le fonctionnement repose désormais sur une logique d’appel à projet (Chauvière, 2009). L’extension de la figure des plateformes dans le domaine social et médico-social, loin d’être uniforme, se caractérise par la diversité des mises en œuvre (Gacoin, 2019) : plateformes-dispositifs, plateformes guichets, plateformes service d’appui, ou encore plateformes d’appel téléphonique - chacune de ces « formes » étant elle-même caractérisée par la multiplicité de ses mises en actes. Par delà la pluralité de leurs fonctionnements, ces plateformes partagent un certain nombre d’enjeux communs. Pensées comme des « organisations intelligentes » (Loubat, 2014), celles-ci apparaissent comme une tentative de contrer les effets pervers de l’ouverture et de la diversification des institutions.

A travers cet article, nous nous intéresserons aux Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation [SIAO], qui apparaissent comme l’un des précurseurs du modèle de la plateforme dans le secteur social et médico-social. Pour ce faire, tout au long de cet article, nous nous appuierons sur le modèle idéal-typique de la plateforme proposé par Vincent Bullich (2021), qui la définit « comme une logique organisatrice, visant à l’agencement d’éléments hétérogènes, en vue de la production d’activités et de leur valorsiation, dans une dimension stratégique ». Vincent Bullich en distingue 4 traits discriminants que sont : « l’action d’intermédiation « radicale », une organisation de la production distribuée entre les acteurs, conçue pour [mettre] en activités ses utilisateurs dans l’objectif de la production de données, tout ceci suivant un processus bi-directionnel de diffusion de contenus et d’enregistrement continu des données générées par les utilisateurs ».

Les SIAO ont été créés par la circulaire du 8 avril 2010, et la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) leur a conféré une reconnaissance législative (Courreges & Fournier, 2021, p.3). Chargés de réguler à l’échelle départementale les offres et demandes d’hébergement, ils ont vu leur champ d’action s’étendre progressivement jusqu’à devenir une figure incontournable au sein de l’hébergement/logement. Les enquêtes réalisées à échelle régionale ou nationale attestent d’une diversité de formes et de mise en œuvre (Imbaud & Jeantet, 2012 ; Courreges & Fournier, op. Cit.; Geyer, 2002 ; FAS, 2021 ; ANSA, 2018), notamment en ce qui concerne la fusion plus ou moins avancée des SIAO urgence et insertion en une seule entité, de même que concernant l’hétérogénéité des opérateurs de mise en œuvre (Imbaud & Jeantet, op. Cit, p.22). Aujourd’hui, l’État entend renforcer leurs missions en tant qu’acteur central chargé de la mise en œuvre du « service public de la rue au logement » (ANSA, op.cit, p.6 ; Ministère de la Santé et de la Solidarité, 2022).

Problématique, hypothèses et méthodologie

Nous avançons l’hypothèse selon laquelle les SIAO sont à la fois reflets et vecteurs de transformations profondes dans la gestion sociale de la « question SDF » (Damon, 2012), mais participent en même temps à la perpétuation de certaines tendances historiques du traitement social de la pauvreté (Paugam & Duvoux, 2013). Ainsi, nous tenterons de répondre à la question suivante : «De quelles ruptures et de quelles continuités l’avènement du modèle des SIAO est-il porteur dans la réponse sociale apportée à la question SDF ? »

Nous nous inscrirons dans une perspective constructiviste, dans l’objectif de dépasser l'opposition entre macro et micro-sociologie. Ceci, pour questionner les implications de la montée en puissance des SIAO aux échelles sociales (représentations sociales et politiques publiques), institutionnelles (fonctionnement des établissements et services du secteur de l’hébergement) et relationnelles (modalités d'accompagnement des publics). Plus particulièrement, nous nous appuierons sur deux brèves expériences immersives (observation participante) auprès d’équipes d’un SIAO urgence (2016) et d’un SIAO insertion (2017) d’Île de France et sur une expérience d’assistante de service social de huit années dans le secteur de l’hébergement/logement (participation observante, 2016-2022, Île de France). Si ces expériences ne peuvent prétendre à une quelconque représentativité, elles nous permettront de soulever un certain nombre de questionnements posés par l’essor de ce modèle. L’enjeu scientifique ici étant d’allier données issues d’évaluations menées aux échelles nationale/régionale/départementale (Imbaud & Jeantet, 2012 ; Courreges & Fournier, 2021 ; Geyer, op.cit.) avec nos observations de l’« action en train de se faire » (Félix & Tardif, 2010) et des « acteurs en situation » (Boltanski, 2009).

Nous rappellerons les éléments contextuels ayant présidé à la création et à l’essor des SIAO, et reviendrons sur les éléments communicationnels et législatifs ayant légitimé leur développement. Nous verrons comment, à l’image des autres plateformes, les SIAO promettaient de répondre à trois grands enjeux (ANSA, op. Cit., p.6). Ils devaient favoriser la modularité des prises en charge dans un contexte de diversification des établissements et services, dans une logique de personnalisation (Loubat, 2003). Face à la juxtaposition simultanée ou successive des prises en charge (DGCS, 2018) ainsi qu’au risque de fragmentation des accompagnements (Ravon & al., 2018), ils devaient assurer la coordination, la cohérence des interventions et le décloisonnement des pratiques (Roche & al, 2007) ; abolir les frontières institutionnelles, entre des acteurs ayant chacun leur logique d’action propre. Face aux ruptures de prises en charge, ils entendaient garantir la continuité des accompagnements, dans une logique de parcours favorisant l’inclusion des personnes (Bauduret, op. Cit). Enfin, en tant qu’interlocuteurs uniques à l’échelle départementale, ils devaient garantir une équité de traitement. Les SIAO s’inscrivaient donc bien dans une logique organisatrice (Bullich, op. Cit.), visant à l’agencement d’éléments hétérogènes que sont les établissements et services du secteur de l’hébergement/logement.

Pour chacun de ces enjeux, nous tenterons de mettre en exergue l’impact concret de ce nouveau modèle de régulation de la « question SDF » (Damon, op. Cit.) sur l’accompagnement des publics. Plus particulièrement, nous analyserons les représentations et pratiques des professionnels du secteur (membres des SIAO et professionnels des structures d’hébergement) et les « stratégies » (Portal, 2017) développées par ces derniers pour tenter de s’approprier ce dispositif, s’y adapter ou y résister. Par ailleurs, pour chacun de ces aspects, nous nous attacherons à mettre en exergue les continuités du traitement social de la « question SDF » dont les SIAO apparaissent porteurs.

Nous reviendrons ensuite sur l’impact de l’utilisation du logiciel de demande (le SI-SIAO) tant sur les pratiques professionnelles que sur les publics accompagnés ; puis conclurons en analysant l’impact de l’ensemble des éléments sus-cités sur les questions de relations et de « confiance » (Marzano, 2010) pour et avec les personnes sans domicile concernées.

Le mythe de l’adéquation : quand la mise en relation devient « première »

Les SIAO, en tant que « plateformes uniques départementales de coordination et de régulation des secteurs de l'accueil, de l'hébergement et de l’accompagnement vers l'insertion et le logement des personnes sans domicile » (Courreges & Fournier, op. cit, p.3) se sont développées dans un contexte de complexification du « système bureaucratico-assistanciel » (Damon, op. Cit., p.231) de réponse à la « question SDF ». En effet, « la diversité des origines et des profils socio-démographiques » des personnes sans domicile (Damon, 2003), dans une période de rationalisation des dépenses de protection sociale, a vu naître un système de prise en charge de plus en plus diversifié. Dès lors, les SIAO entendaient favoriser un ajustement des solutions apportées, dans une logique de personnalisation. Ils incarnaient donc une volonté d’« affinage des réponses » (Jaeger, 2011).

Pourtant, à l’opposé de ce supposé ajustement, la mise en œuvre des SIAO semble favoriser une forme de déconnexion multidimensionnelle d’avec les situations des publics sans domicile. Un éloignement physique et matériel (numérique) d’une part, puisque les professionnels des SIAO n’ont bien souvent qu’un contact téléphonique (SIAO urgence[1]) voire aucun contact (SIAO insertion) avec les personnes concernées. Un éloignement symbolique, d’autre part, par des décisions prises sur ou pour les publics sans explication ni justification sur les critères d’arbitrage (priorisation), et sans possibilité, pour les individus, d’interagir avec ou d’influer sur les (non)-réponses apportées. Un éloignement relationnel (Aballéa, 2003), ensuite, du fait de l’absence de rencontre entre les équipes des SIAO et les publics concernés [dans un grand nombre de cas], et par l’obligation, pour les publics, de passer par un travailleur social, pour effectuer une demande d’hébergement. Un éloignement temporel, en outre, de par la multiplicité des situations traitées dans un contexte de pénurie des places disponibles ; engendrant délais d’attente ou non-réponse, sans visibilité, pour les publics quant aux délais potentiels d’aboutissement de leur demande. Un éloignement spatial, enfin, par une logique de territorialisation départementale, laquelle peut engendrer une « mobilité forcée » pour les publics concernés, à l’échelle du territoire du département concerné.

Cette approche quantitative prédominante, et l’éloignement multidimensionnel d’avec les publics sont parfois nuancés par des initiatives locales, traduisant une approche plus qualitative des situations des personnes sans-domicile. Ainsi en est-il, par exemple, de l’action portée par le SIAO du 78, qui a développé un référent de Service d’Accueil et d’Orientation [SAO] permettant d’aller à la rencontre des personnes dans les accueils de jours, afin de réaliser la demande d’hébergement qu’elles n’auraient probablement pas initiées seules. Ici, la démarche d’« aller-vers » et de rencontre physique avec les publics s’inscrit à rebours de la tendance prédominante portée par les SIAO en tant que plateforme. D’autres actions d’accompagnement des ménages hébergés à l’hôtel voient le jour, à l’image de celles portées par les SIAO 34 (rapport d’activité 2020) et 67 (rapport d’activité 2021).

En dépit de ces initiatives, l’analyse attentive des objectifs annoncés à la création des SIAO, et celle de leur mise en œuvre effective, semble traduire un changement de paradigme insidieux mais majeur. D’une logique d’adaptation aux besoins (« mythe de l’adéquation », Jaeger, op. Cit., p.7-32), les SIAO semblent être passés à une logique d’adaptation aux places disponibles. Dans un contexte de pénurie, l’objectif premier devient moins la recherche de solutions que l’observation, la veille sociale et la mise en relation (Imbaud & Jeantet, op. cit, p.5 ; baromètre mensuel du 115, Samu Social de Paris). C’est ainsi que les écoutants 115 rencontrés (SIAO urgence, Paris) ont pu nous expliquer considérer que leur rôle premier était de proposer une « écoute bienveillante » aux personnes appelant le 115[2]. Alors qu’ils avaient (lors de notre immersion, 2016) moins de cinq places d’hébergement à attribuer sur l’ensemble de la journée, leur objectif principal, était donc la maximisation du nombre d’appels décrochés, et, corrélativement, la diminution de la durée d’attente au téléphone pour les publics. Cet objectif était d’ailleurs incarné par l’affichage d’un écran numérique dans la salle de travail des écoutants 115, lequel calculait en temps réel le temps d’attente au téléphone. Au travers de ces éléments, nous percevons, que, derrière le visage de l’« écoute bienveillante », se cache une approche quantitative prédominante (Bouquet, 2009) (nombre d’appels, temps d’attente) : une logique de flux (Imbaud et Jeantet op. Cit., p.5).

La fonction d’observatoire des SIAO est particulièrement repérable à la lecture des rapports d’activité annuels des SIAO. Ils y détaillent le nombre de demandes reçues, traitées, ayant eu une réponse positive (et le type de réponse) ou négatives. Ce rôle de veille sociale, qui permet d’avoir un aperçu de l’évolution des profils et besoins des personnes en demande, apparaît toutefois nécessairement fortement biaisé, de par l’ampleur du non-recours (FNSS, 2020, p.10). Nous pouvons dès lors considérer que les SIAO permettent moins d’avoir un aperçu de l’évolution de la population sans domicile que de celle des politiques publiques de réponse à la « question SDF » (évolution du nombre de places par secteur et dispositifs) et de leur mise en œuvre effective (nombre d’orientations/entrées/sorties par établissement).

Par ailleurs, la dématérialisation des demandes et la disparition des files d’attente qu’elle engendre, participe à et perpétue, sous une nouvelle forme, les logiques d’invisibilisation des populations précaires (ONPES, 2016). Ici, aux frontières physiques et matérielles des « institutions totales » (Goffman, 1975) qui tenaient lieu d’espace de relégation, semblent s’être substituées des frontières symboliques et immatérielles, notamment portées par les SIAO, mais concourant autrement à rendre invisibles les personnes sans domicile.

Le mythe de la continuité des parcours : une logique de flux et de mise en circulation des personnes sans domicile

Face au constat de la fragmentation des prises en charge, les SIAO ont une mission première de coordination des acteurs et de veille sociale (FAS, 2021a). Ils entendaient ainsi favoriser la mise en œuvre effective du Droit au Logement et à l’Hébergement (porté par la loi DALO/DAHO de 2007) selon un principe de continuité. En tant qu’interlocuteur départemental unique, ils portaient la volonté de limiter les conséquences d’un fonctionnement « en silos » des secteurs de l’insertion, de l’urgence sociale, du soin ou encore, plus récemment du logement. S’inscrivant dans une logique de parcours (Boch & Hénaut, 2014 ; Fourdrignier, 2014), ils devaient favoriser la cohérence mais également la construction progressive des réponses apportées à chaque personne, dans une temporalité plus ou moins longue.

Pourtant, les SIAO tendent eux-mêmes à perpétuer ce fonctionnement en silos. En effet, en dépit des velléités de regrouper les SIAO urgence et insertion en une seule et même entité (loi Alur, 2014)[3], « l’architecture telle qu’elle a été conçue continue à faire vivre au sein du SI-SIAO (logiciel de collectes des données, voire infra), deux « sous-SI » aux perspectives différentes, l’un tourné vers les besoins des 115 et l’autre vers la gestion des demandes d’insertion » (Courreges & Fournier, op. cit, p.64). « Par ailleurs, [...], les SIAO ont globalement un rôle assez limité sur l’accès au logement, [… tout au moins pour ce qui est de] l’Île de France » (Courreges & Fournier, op. Cit, p.5). Le fonctionnement des SIAO pose finalement la question d’un réel décloisonnement des filières et des institutions, et laisse davantage transparaître une forme de juxtaposition ou co-présence des différents dispositifs de prise en charge (« multiplication des acteurs et parcellisation des tâches », Bullich, op. Cit.) . S’ensuivent, notamment pour les plus fragiles, des parcours faits de ruptures ou d’allers-retours entre différentes institutions, dans une forme de circularité (DGCS, 2018).

D’un point de vue temporel, le SIAO urgence, ici incarné par le 115 de Paris, véhicule une logique d’immédiateté et de « présent permanent » pour les publics. Nous avons pu observer les écoutants 115 inviter les personnes téléphonant le matin à rappeler le soir, heure de l’attribution des seules places disponibles. Lorsqu’une place était attribuée, elle l’était, dans la plupart des cas, pour une à trois nuits ; enfermant dès lors les publics dans une logique de survie et d’impossible projection.

Le SIAO insertion (ici investigué au sein d’un département de petite couronne, 2017), quant à lui, s’inscrit dans une temporalité plus longue, du fait de durées d’hébergement de plusieurs mois voire années au sein des centres d’hébergement relevant de l’insertion. Cette temporalité est vectrice d’orientations inadaptées pour les publics : celles-ci interviennent, dans la majeure partie des cas, de nombreux mois après l’initiation de la demande, et la situation des personnes peut s’en trouver transformée (et la volonté d’ajustement, s’en trouver mise à mal). Dans le même temps, cette logique d’orientations favorise une appréhension quantitative des situations. Celle-ci est visible, notamment, au travers des objectifs chiffrés (nombre de sorties) donnés aux centres d’hébergement[4] (FAS, 2020, p.8). Elle induit des pratiques de sélection des publics (« effet Matthieu », Damon, 2012), et corrélativement, l’exclusion « des ménages jugés ‘pas prêts au logement’ en raison d’une trop faible autonomie [avec une forme d’]autocensure de la part des travailleurs sociaux trop habitués à voir certaines catégories de demandeurs rejetés » (ANSA, op. Cit., p.11). Cette approche par le flux encourage les ré-orientations des publics hébergés vers d’autres dispositifs du secteur, au détriment de la recherche de solutions pérennes (participation observante : centre de stabilisation, 2015 ; CHRS, 2020-2021).

D’un point de vue plus spatial, les SIAO reflètent une organisation territorialisée du système d’hébergement/logement : en attestent, notamment, les particularités de fonctionnement (initiatives locales) de certains d’entre eux. Dans le même temps, les SIAO se font le relais de politiques publiques centralisées, favorisant une forme de standardisation des pratiques (voir infra) selon une logique d’efficience et de gouvernance par les résultats. Pour les publics, ils apparaissent comme une instance hors-sol, inaccessible et désincarnée. La référence au territoire départemental pour l’attribution des places d’hébergement rejoint donc un double mouvement de centralisation/décentralisation du traitement des données (Heldmont, 2015). Cette organisation, en dépit des déclinaisons locales de mise en œuvre, fait fi des disparités entre territoires, et peut favoriser une forme de « dés-ancrage » (Pichon, 1996) des publics, par leur « mise en mouvement » à l’échelle du territoire des SIAO.

Enfin, ces logiques de flux n’évitent pas l’embolisation de la filière d’hébergement/logement. Elles n’empêchent pas non plus les vacances de place (participation observante, secteur de l’hébergement, 2016/2022), du fait de la quantité importante des données traitées. Ainsi, la plateformisation portée par les SIAO ne doit pas seulement être comprise comme un appariement entre offres et demandes : elle induit un changement d’échelle, et favorise la collecte et le traitement d’un nombre plus important de données (Rebillard & Smyrnaios, 2015). D’autre part, le raisonnement quantitatif prédominant semble « oublier » la part irréductible de toutes décisions prises pour des êtres humains : refus, difficultés à établir le contact, rendez-vous manqués…

Conscients des limites d’une approche centrée sur la fluidité des parcours, certains SIAO se font les porteurs de projets alternatifs, à l’image de ceux visant à favoriser l’accès direct au logement (ANSA, op. Cit.). Ceux-ci comportent malgré tout de nombreuses limites, et posent notamment la question essentielle du triage des publics (voir infra).

Finalement, l’approche centrée sur la fluidité véhiculée par les SIAO, tend davantage à perpétuer une « mise en circulation des pauvres »[5] entre différents dispositifs de l’aide sociale (Damon, 2012) qu’à construire de véritables parcours de ré-insertion pour les publics.

Apparente neutralité, mythe de l’équité de traitement : un triage avéré des publics

En organisant, à échelle départementale, la régulation des places d’hébergement, les SIAO promettaient de garantir une équité de traitement entre les personnes sans domicile d’un même territoire. Dans un contexte d’essor des « droits des usagers » (loi 20002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale, loi DALO[6] de 2007), la gestion des demandes par un acteur unique, chargé de leur recensement et de leur traitement entendait mettre fin aux logiques d’inter-connaissance entre professionnels des structures d’hébergement, lesquelles étaient suspectées de favoriser certains individus, au détriment des autres. Ainsi, les SIAO ont pu nourrir l’espoir d’une forme d’objectivité et de neutralité (Courreges & Fournier, op. Cit., p.55 ; Imbaud & Jeantet, op. Cit., p.39) .

Pourtant, la délégation de compétences de l’État vers différents « opérateurs de plateformes » (un des « traits discriminants de la plateforme » tel que décrit par V. Bullich) favorise une dilution des responsabilités (Truc, 2008 ; Sénéchal, 2018), à l’opposé d’une garantie de mise en œuvres effective des droits sociaux des publics (Courreges & Fournier op. cit, p.7 ; Imbaud & Jeantet, p.55-56). L’opacité des critères de décision, conjuguée à l’éloignement multidimensionnel dont ils sont porteurs (voir supra), fait que ces services s’apparentent finalement à des formes de boîtes noires désincarnées, aux critères de priorisation multiples et disparates (Courreges & Fournier, op. cit., p.4-5, 43-47, 64 ; ANSA, op. Cit., p. 15). En cas de non-réponse, ou de réponse considérée inadaptée par les personnes concernées, aucun interlocuteur direct n’existe.

Par ailleurs, le caractère plus ou moins saturé du secteur de l’hébergement en fonction des départements (Courreges & Fournier, p.44), la diversité des fonctionnements des SIAO (échelle institutionnelle, et donc inter-départementale pour les publics ; Courreges & Fournier, op.cit, p.5) et la multiplicité des pratiques des acteurs (SIAO et structures d’hébergement, échelle intra-départementale) s’inscrit à contre-courant de l’équité de traitement qui présidait à leur mise en place. D’un côté, les décisions prises par les SIAO semblent s’imposer aux acteurs de l’hébergement/logement, parfois au risque des incohérences (décisions prises hors-sol). D’un autre côté, les SIAO, en tant qu’acteur de coordination, n’ont pas de véritable pouvoir de coercition envers les structures d’hébergement, et se heurtent parfois aux critères des structures d’hébergement quant à l’accueil des publics. En effet, dans un contexte de pénurie de places, « il est très complexe pour les [structures d’hébergement] d’appliquer de façon concomitante les principes d’inconditionnalité de l’accueil et de continuité de la prise en charge » (Imbaud & Jeantet, op. Cit., p.19) : les SIAO se font alors les « spectateurs » d’une remise en cause de ces principes sans réelle possibilité d’y remédier (Imbaud & Jeantet, op. Cit., p.50).

Du côté des équipes SIAO rencontrées, celles-ci semblaient avoir à cœur de porter des logiques de priorisation des publics en fonction de critères jugés cohérents. Pour autant, la multiplicité des critères de priorité paraissait rendre caduque toute approche réellement impartiale des situations. Les éléments relatifs au sexe, à l’âge, à la santé, au degré supposé de ‘(non)-autonomie’, ou au fait d’être victime de violence… apparaissaient comme tous autant de facteurs de vulnérabilité, justifiant une priorisation des personnes concernées (SIAO urgence). Dans le même temps, la capacité à « se saisir »[7] de l’accompagnement afférant à l’hébergement et à s’inscrire dans un parcours d’insertion justifiait l’orientation des publics jugés les plus autonomes (SIAO insertion) vers les structures d’insertion ou d’intermédiation locative. A ces critères multiples, venait s’ajouter celui de l’ancienneté de la demande, de même que son actualisation régulière. Cette volonté de privilégier les attributions de places pour les demandes faisant l’objet de mises à jour régulières, légitimée par la nécessaire adaptation des décisions prises à l’évolution des situations, tend à favoriser les publics ayant conservé une certaine « capacité de mobilisation »[8] : appels réguliers au 115 (SIAO urgence), et/ou la rencontre d’un travailleur social susceptible de modifier la demande (SIAO insertion). Elle exclut de fait les personnes découragées par l’absence de réponse.

Si les « ententes en bonne intelligence » entre structures d’hébergement, dans l’objectif de passer « outre » la lourdeur administrative des décisions prises par les SIAO, demeurent (participation observante en centres d’hébergement 2016/2022), ces pratiques restent le fruit de la détermination des directeurs d’établissement, et tendent à devenir de plus en plus marginales, du fait de l’extension progressive du périmètre d’action des SIAO.

A travers ces éléments, nous percevons combien le rôle d’intermédiation assuré par les professionnels des SIAO est déterminant dans les parcours des publics, au détriment de celui des travailleurs sociaux de terrain, pourtant en contact direct avec les publics concernés. Il est d’ailleurs à noter qu’une part importante de ces acteurs de l’intermédiation ne sont pas diplômés en travail social (FAS, 2021). Les travailleurs sociaux, pour effectuer une demande d’hébergement concernant une personne rencontrée, doivent désormais passer par un logiciel unique : le SI-SIAO. Ils peuvent alors émettre des préconisations quant à l’orientation jugée adaptée à la situation des personnes accompagnées (typologie d’hébergement), mais n’ont aucun pouvoir sur la décision finale. Les publics concernés, quant à eux, sont dans l’obligation d’accepter toute proposition faite par le SIAO, au risque de se voir signifier une fin de prise en charge s’ils sont déjà hébergés, ou d’être relégués à la fin de la liste d’attente des demandeurs d’hébergement. En ce sens, nous pouvons parler d’une emprise croissante des opérateurs de plateformes (Rebillard et Smyrniasos, 2019).

Certains SIAO sont toutefois à l’origine d’initiatives visant à favoriser les rencontres et échanges avec les professionnels de terrain, favorisant ainsi une meilleure prise en considération de leurs capacités d’expertise et de leur véritable rencontre avec les publics concernés. C’est le cas du SIAO du 73, lequel anime et met en place des commissions « cas complexes »[9] visant à élaborer, avec les partenaires concernés, des réponses dites concertées aux situations traitées (rapport d’activité 2021).

Finalement, les SIAO ajoutent majoritairement un échelon dans les parcours de décision concernant les publics sans domicile. Ils dissocient la rencontre et l’évaluation (travailleurs sociaux de terrain) des décisions prises (membres des SIAO), et font fi des libertés de choix des publics. La plateformisation dont ils sont porteurs dépossède les travailleurs sociaux de leurs capacités à agir pour et avec les publics, et prive les personnes sans domicile d’un pouvoir de décision quant à leur propre situation. « La massification des problèmes [notamment en Ile de France] conduit l’ensemble des acteurs à se concentrer sur l’urgence [c’est à dire la mise en relation] au détriment de l’évaluation et de l’accompagnement. » (Courreges & Fournier, 2020).

La désincarnation des décisions portées par les SIAO tend à accroître l’écart entre droits théoriques et droits effectifs (Défenseur des droits, 2019 ; Mazet, 2017 ; Sorin, 2019). Dans le même temps, les SIAO perpétuent une logique de triage des publics. A la scission entre sans domicile « aptes ou inaptes au reclassement » des années 70 (Damon, 2012, p.253), semble s’être substituée celle existant entre publics orientés vers le secteur du logement accompagné et de l’insertion, ou au contraire ceux de l’urgence sociale et du soin.

Le mythe du consentement : les SIAO au profit d’une standardisation des pratiques, et de la régulation des populations sans domicile ?

Les SIAO doivent permettre le « recensement informatisé et nominatif des ménages hébergés » ou en demande d’hébergement (ANSA, op. Cit.). Parce qu’ils s’apparentent à un guichet unique, ils deviennent incontournables pour toute personne sans domicile. Un logiciel s’impose aux travailleurs sociaux : le si-siao (système partiellement automatisé, donneur d’ordre, Bullich, op. cit). Le remplissage du logiciel de demande, et des multiples dimensions (sphères de l’existence) qu’il couvre, conditionne la possibilité de se voir offrir une place d’hébergement. La volonté d’uniformiser les demandes, sous couvert d’équité de traitement, se fait le vecteur d’une standardisation des pratiques professionnelles (Gagnon, 2015).

Dès lors, bien que les travailleurs sociaux de terrain, lorsqu’ils transmettent une demande au SIAO, doivent s’assurer de l’accord de la personne concernée, cette précaution apparaît illusoire. Les SIAO impliquent de fait un « fichage contraint » des publics (Conseil d’État, 2019). La volonté de disposer d’informations aussi exhaustives que possible quant à la situation des personnes, légitime une demande croissante de renseignement à propos des publics. Les SIAO favorisent donc une logique de « production » et de « valorisation » des données (quatrième trait discriminant de la plateforme identifié par V. Bullich, et « son corrolaire la data-ification »), et posent la question de la confidentialité et de la sécurité des informations collectées/transmises (ANAS, 2016).

Si cette « production de données » (« mise en activités des acteurs pour la production de données », Bullich, op. Cit.) est justifiée par un discours prônant l’adaptation aussi fine que possible des réponses aux besoins des publics concernés, cet argument se trouve percuté par la pénurie de places disponibles, laquelle engendre des décisions par défaut. Dans le même temps, certaines informations collectées peuvent vite marquer ‘ au fer rouge’ les parcours des individus. Ainsi en est-il par exemple, des publics souffrant de troubles psychiatriques, d’addictions ou ayant pu adopter des comportements agressifs/violents par le passé, pouvant se voir opposer de multiples refus de la part des structures d’hébergement, [lesquelles considèrent alors ne pas être « adaptées »[10] (taux d’encadrement, composition des équipes, fonctionnement institutionnel) à l’accueil de personnes rencontrant de telles problématiques (DGCS, op. cit, Damon, 2012)].

Certains acteurs de l’hébergement/logement (qui deviennent des « utilisateurs agents de production », Bullich, op. cit), parmi lesquels certains SIAO, conscients de l’enjeu relatif à la protection des données des personnes concernées, participent à des instances de réflexion à ce sujet (SIAO 67, rapport d’activité 2021). Par ailleurs, si les professionnels des structures d’hébergement se voient obligés de participer à ce « fichage contraint », force est de constater les stratégies déployées par ces derniers pour tenter d’en amoindrir les conséquences pour les publics accompagnés (participation observante en structures d’hébergement, 2016/2022), ainsi que pour préserver la confidentialité de certaines informations (Dubasque, 2019, p.57-69). Conscients de l’impact central des informations transmises, ils peuvent choisir de taire, ou, au contraire, mettre en évidence, certains éléments. En fonction des situations et des réponses jugées nécessaires, ils décident de mettre en exergue certains facteurs de vulnérabilité, ou, au contraire, le degré estimé d’autonomie. D’un point de vue plus administratif, des éléments tels que le non-paiement régulier de la « participation financière à l’hébergement »[11] peuvent être masqués pour limiter les risques de refus.

Les SIAO perpétuent un mode de régulation de la pauvreté fondé sur la conditionnalité de l’aide sociale et l’injonction au récit de soi (« injonction biographique », Duvoux, 2009). Organisation réticulaire, ils s’apparentent à un outil de surveillance (Compiègne, 2010) des populations précaires. Illustration criante de ce contrôle, et bien que cette pratique ait été soulignée comme ne reposant sur aucune base légale (Courreges & Fournier, op. cit, p.44), nous avons pu être les témoins (SIAO urgence, Paris) de refus de prise en compte de demandes de publics déjà enregistrés dans un autre département.

Les SIAO : une mise en relation au détriment de la relation ? De l’impossible restauration de la confiance

Les SIAO semblent s’inscrire, par les différentes tendances dont ils se font reflets et vecteurs, à rebours de plusieurs grands paradigmes du travail social. A l’heure de la personnalisation des accompagnements (Ravon & Laval, 2005, pp.235-250), ils tendent, du fait de leur approche quantitative et de la distanciation multidimensionnelle dont ils sont porteurs, à transformer chaque personne sans domicile en un individu anonyme, demandeur d’hébergement. Alors que la logique du « parcours en escalier » sur laquelle reposait le développement de la filière Accueil Hébergement Insertion est aujourd’hui remise en cause (Arnell & Morisset, 2019). Parce qu’ils encouragent un raisonnement en terme de « flux », les SIAO contribuent bien souvent à la multiplication des étapes d’accès au logement. A l’opposé de l’éthique du « faire avec » et du libre-choix défendue et revendiquée par les travailleurs sociaux (Bouchereau, 2016), les SIAO prennent des décisions sur les personnes sans domicile. Enfin, alors que la confidentialité voire le secret des informations constituent les piliers déontologiques des professions du travail social (Bouquet, 2017, pp. 97-115), le logiciel SI-SIAO incite à la « production de données » à propos des publics, comme condition sine qua none à un possible accès à l’hébergement. Ils viennent donc poser la question d’une mise à mal des droits sociaux et juridiques des personnes sans domicile.

Alors que l’avènement des SIAO a été présenté comme un simple « outil technique» censé favoriser la construction de réponses adaptées à chaque situation, celui-ci est vecteur de transformations profondes dans l’accompagnement des publics sans domicile. En effet, ils participent à la parcellisation des fonctions, en scindant majoritairement évaluation et accompagnement d’une part et décisions d’autre part. Alors que le travail social est fondé sur une double-dimension de reconnaissance et de protection (Autès, 2003), et parce qu’ils dépossèdent les travailleurs sociaux de terrain de leur capacités à influer sur les situations des publics rencontrés, les SIAO tendent à restreindre la part de la dimension protectrice de la relation d’aide.

La « mise en relation » portée par les SIAO pose la question de la possible (re)contruction du lien social pour et avec les publics sans domicile. Alors que les travailleurs sociaux sont censés incarner le lien permettant de re-lier l’individu à la société (Autès, op. Cit.), l’instauration d’une forme de réciprocité, et la restauration d’une possible confiance (Furtos, 2011) pour les publics précarisés s’en trouve mise à mal. Comment (re)trouver confiance en l’Autre quand cet Autre (le travailleur social) censé aider tend à se transformer en ‘courroie de transmission’ de décisions qu’il ne maîtrise pas? Comment (re)trouver confiance en l’avenir alors que les décisions prises à son propre sujet sont imprévisibles et que l’on n’a pas de prise dessus ? Comment (re)trouver confiance en soi quand la reconnaissance que peuvent nous porter les travailleurs sociaux rencontrés apparaît dissociée de la protection dont on a besoin ?

Conclusion

Finalement, le croisement de données issues d’études menées aux échelles nationale, régionale et départementale avec nos observations de terrain (observation participante auprès de deux équipes de SIAO, 2016 et 2017 ; participation observante dans le secteur de l’hébergement/logement 2016-2022, Île de France) nous ont permis de mettre en exergue le processus de plateformisation dont les SIAO se font porteurs, les écarts saisissants entre les « promesses » initiales du modèle et sa mise en actes effective, ainsi que ses conséquences majeures sur l’accompagnement des publics sans domicile : ré-intermédiation par la multiplication des acteurs allant à l’encontre de la fluidité des parcours, data-ification incitant à la production et la valorisation des données sur les personnes sans domicile (selon une logique d’efficience mais s’apparentant à un fichage contraint), implication malgré eux des professionnels du secteur de l’hébergement/logement dans cette logique organisatrice et cette production de données et suivant des systèmes automatisés « donneurs d’ordre » (Bullich, op. Cit.) (standardisation), comme condition sine qua none de l’accès à l’hébergement des publics rencontrés ou accompagnés.

Les professionnels, tant au niveau des équipes des SIAO qu’en ce qui concerne les travailleurs sociaux de terrain, négocient quotidiennement des marges de manœuvre visant à limiter la déshumanisation portée par la plateformisation de l’attribution des places d’hébergement. Pourtant, l’avancement « à marche forcée » vers une poids grandissant de ces opérateurs de plateformes, comme un des multiples aspects de la plateformisation croissante du travail social, mériterait d’être davantage questionné.

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Notes

[1]Ainsi, seuls 13 % des écoutants 115 occupent des fonctions d’accueil physique en plus de leurs missions d’écoutants (FAS, 2021, p.3)

[2]Numéro unique national d’appel pour les personnes sans-domicile en demande d’hébergement

[3]La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi Alur)

[4]Objectifs énoncés lors de la signature des Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens établis entre Centres d’Hébergement (CHRS notamment) et financeurs

[5]A l’image du traitement réservé aux « vagabonds » au Moyen-âge, qui se voient chasser

[6]Droit Au Logement Opposable

[7]Terme très utilisé par les professionnels du secteur social, renvoyant à la logique de « mobilisation » et d’activation prédominante dans les services

[8]Jargon professionnel

[9]Terme officiel utilisé par institutions sociales porteuses de ces réunions

[10]Jargon professionnel

[11]La législation impose aux personnes hébergées en structures d’hébergement et ayant un minimum de ressources de verser « une participation financière à l’hébergement », c’est à dire une somme « symbolique » et dépendante de leurs ressources pour participer aux frais inhérents à leur hébergement

 
  

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