Auteur |
SCOTTO D'APPOLONIA Lionel[1] Chargé de recherche Artivistes-atelier FDE - Université Montpellier |
Citer l'article |
Scotto d'Apollonia, L. (2020). Construction, circulation et praxis de l'anthropocène. Défis épistémologiques et enjeux normatifs du processus de catégorisation. Revue Intelligibilité du numérique, 1|2020. [En ligne] https://doi.org/10.34745/numerev_1687 |
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Résumé : Le concept d’Anthropocène connait un succès dans le monde Académique fulgurant et fait l’objet de multiples controverses. La littérature scientifique est d’autant plus abondante qu’il est devenu un concept résolument hybride porteur d’enjeux à la fois épistémologiques et normatifs. Cet article développe une fouille épistémologique clarifiant ses fondations épistémologiques en amont des années 2000 et dresse un état des lieux des multiples controverses dans le champ de la stratigraphie. En s’appuyant sur une analyse des jeux d’acteurs et d’arguments l’article décrit les multiples fronts de controverses dans les autres champs disciplinaires. Ces éléments permettent de clarifier les migrations conceptuelles dont le concept d’Anthropocène a fait l’objet à la fois sur le plan épistémologique et axiologiques. L’extraordinaire plasticité du concept lui permet de couvrir un prodigieux grand écart disciplinaires des sciences géologiques à la philosophie de la nature. Ces résultats permettent de décrire de caractériser la difficile et lente structuration du champ interdisciplinaire des sciences du système Terre (Earth System Science) dont la phase d’institutionnalisation et de stabilisation paradigmatique n’est pas encore achevée. Concept heuristiquement très fécond, les aspects praxéologiques de l’Anthropocène permettent de nourrir une réflexion plus large sur la place et le rôle des sciences humaines et sociales et d’une partie du courant de l’écologie politique à construire des catégories de pensée opérantes permettant d’appréhender simultanément le défi de « l’urgence écologique » et de l’interdisciplinarité.
Mots-clés : Anthropocène, épistémologie, normes, interdisciplinaire, catégorisation.
Abstract : The Anthropocene concept has met with success in the dazzling academic world and has been the subject of multiple controversies. The scientific literature is more abundant since it has become a resolutely hybrid concept carrying both epistemological and normative issues. This article develops an epistemological excavation clarifying its epistemological foundations in the run-up to the 2000s. It also provides an overview of the many controversies in the field of stratigraphy. The article is based on an analysis of actors' play and arguments. Thanks to what, he describes the multiple fronts of controversy in other disciplinary fields. These elements help to clarify the conceptual migrations that the Anthropocene concept has been subjected to both epistemologically and axiologically fields. The extraordinary plasticity of the concept allows it to cover a prodigious wide disciplinary gap going from geological sciences to the philosophy of nature. These results describe the hard and slow patterning of the interdisciplinary field of Earth System Science. It should be remembered that the phase of institutionalization and paradigmatic stabilization of this field is not yet complete. L‘Anthropocene is a very fruitful heuristic concept, whose praxeological aspects allow to feed the broader reflection on the place and the role of social sciences and a part of political ecology field. These research fields are questioned in their ability to construct categories of working thoughts to simultaneously grasp the challenge of so called « ecological urgency » and interdisciplinary.
Keywords : Anthropocene, epistemology, standards, interdisciplinary, categorization.
Fort de son succès dans le monde Académique, emprunt de multiples controverses, l’Anthropocène n’en finit plus de faire couler de l’encre à tel point que l’on ne sait plus véritablement de quoi parle-t-on quand on parle d’Anthropocène. Cet article apporte une clarification des débats et des principaux points de controverses. Afin de mieux cerner ce que parler d’Anthropocène veut dire, il développe une analyse des registres discursifs et interprétatifs en détaillant ses fondations historiques. Cette déconstruction historiographique permet en retour de mieux comprendre sa nature hybride, les migrations conceptuelles dont il a fait l’objet et ses implications praxéologiques réussissant un prodigieux grand écart entre les sciences géologiques et la philosophie de la nature. Il permet de décrire de façon transversale la difficile structuration du champ interdisciplinaire des sciences du système Terre (Earth System Science) dont la phase d’institutionnalisation et de stabilisation paradigmatique n’est pas encore achevée.
Faisant suite à un premier article publié dans la Newsletter de l’International Geosphere-Bioshpere Programme (Igbp)[2] (Crutzen, Stoermer, 2000), Paul Crutzen (2002) a popularisé ce concept visant initialement à définir une nouvelle échelle de temps géologique pour objectiver l’impact de l’Homme sur l’« écosystème terrestre ». Suite aux travaux d’une équipe menée par Jan Zalasiewicz (2008), il est depuis 2009, l’objet d’étude d’un groupe de travail interdisciplinaire : Anthropocène Working Group, AWG[3] au sein de l’Union Internationale des Sciences Géologiques (Iugs). Il existe une différence fondamentale, permettant d’éclairer avantageusement les controverses actuelles, entre l’Igpb illustrant l’émergence du champ des Sciences du Système Terre et la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS), organe scientifique historique constituant l’Iugs (voir annexe2). Les Sciences du Système Terre visent à développer une approche systémique de la complexité des changements globaux et à analyser leurs processus biologiques physico-chimiques et l’influence des activités humaines. Les sciences géologiques et notamment la Commission Internationale de Stratigraphie définissent précisément les unités mondiales (systèmes, séries, et les étapes) et apparaissent comme les gardiens de l’échelle des temps géologiques.
En toile de fond, sur le plan géologique, le point nodal des controverses porte sur sa formalisation stratigraphique et sa datation : en 2019 aucune proposition de formalisation n’a été déposée par l’AWG auprès de la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS). Dans le champ des sciences humaines et sociales se sont ouverts différents fronts de controverses avec comme point d’horizon la remise en cause des catégories critiques de l’histoire sociale passée et de la mondialisation présente (Chakrabarty, 2010 ; Bonneuil et Fressoz, 2016 ; Malm, 2017 ; Chateauraynaud et Debaz, 2017). L’Anthropocène est le théâtre d’affrontements symboliques entre une constellation d’acteurs sans véritable polarisation entre deux camps. Certains chercheurs jouissant de positions dominantes enferment sans nuance les membres de l’AWG dans la catégorie des « anthropocénologues » (Bonneuil et Fressoz, 2016, p. 64), ces derniers étant qualifiés par d’autres chercheurs de prédicateurs de l’Anthropocène dans la catégorie « collapsologues » (Chateauraynaud et Debaz, 2017, p. 44) qui dénoncent l’orthodoxie intellectuelle mettant en exergue des divergences entre critique, praxis et réflexivité.
Aussi après avoir décrit le positionnement théorique et la méthodologie, l’article développe, dans une première partie, une déconstruction épistémologique de l’Anthropocène pour ensuite analyser les jeux d’acteurs et d’arguments au sein de l’Iugs. La deuxième permet d’analyser les migrations conceptuelles dont il a fait l’objet dans le champ des sciences sociales. La conclusion permet de nourrir le débat sur l’« urgence écologique » et les difficultés de la communauté scientifique à bâtir des théories permettant d’appréhender à sa juste mesure la complexité de l’impact des activités humaines sur l’environnement et par voix de conséquence de construire des catégories de pensées opérantes.
Positionnement théorique et méthodologie
Cet article s’appuie sur une approche non-réductionniste des controverses articulant différents courants parfois controversés reposant sur une conceptualisation originale des controverses comme un « mille-feuille discursif » (Scotto d’Apollonia, 2015). Il apparait pertinent de concevoir les controverses socioscientifiques comme un espace social multidimensionnel, un « mille-feuille discursif » constitué du In, le discursif (ce qui est donné à voir dans l’espace public), et du Off, l’interdiscursif (ce qui est invisible depuis l’espace public concernant l’ensemble des échanges interpersonnels relevant des différents espaces interdiscursifs) en s’appuyant sur une veille internaliste[4] attentive à la construction des savoirs.
Ce concept s’appuie sur la notion d’emprise ou d’acteurs qualifiés d’« empreneurs » (Chateauraynaud, 2015) qui développent une activité discrète visant à avoir une emprise en exploitant les angles morts de l’espace public. La question de l’emprise se détache de la sociologie du dévoilement dans le sens où il ne s’agit pas de révéler ce qui est caché mais de comprendre comment les longues séries d’opération effectuées par les acteurs, dans un espace social difficile voire hors d’atteinte pour le sociologue, agissent sur les logiques de publicisation des controverses dans les différents espaces de médiation. Pour le chercheur il s’agit d’accéder aux scènes du conflit en évitant le biais médiacentrique Comby (2012). La conceptualisation des controverses comme la stratification, le feuilletage d’un ensemble d’espaces multi-inter-discursifs dépasse largement le simple cadre des échanges entre chercheurs qui relèvent in fine de l’activité normale de la recherche. Sur le plan linguistique, les arguments exprimés par les acteurs dans l’espace public sont porteurs des séries d’épreuves subies et de l’ensemble de ces activités souterraines. Ainsi l’analyse du discours, considérée comme l’étude des intrications entre l’organisation textuelle et la situation de communication, appréhende l’argumentation dans la matérialité du discours en fonction de la situation d’énonciation et des articulations entre le logos, l’éthos et le pathos, tout en restituant son inscription dans l’interdiscours (Amossy, 2008).
Il s’agit donc d’articuler la sociologie pragmatique et réflexive développée par Francis Chateauraynaud (2011) avec la sociologie rationaliste, reprenant en grande partie les travaux de Jean-Michel Berthelot (2002, 2008) et de Dominique Raynaud (2018a [2003]). Ce cadre est non réductionniste Berthelot (1992) dans le sens où il ne cherche pas à projeter d’a priori entre l’analyse des intérêts stratégiques des acteurs et les arguments mobilisés. Cette approche est à proprement parler interdisciplinaire et mobilise, en plus des approches sociologiques mentionnées, différents champs disciplinaires, l’épistémologie et l’histoire des sciences, la linguistique et les sciences de l’information et la communication.
Sur le plan méthodologique, il s’agit d’articuler simultanément différents moyens d’investigation sur la base d’un travail bibliographique de fond permettant de construire un étayage épistémologique à l’aide des moteurs de recherche Web of Science et Google Scholar. Pour cela, l’enquête bibliographique est partie des publications de Crutzen (2002) et de Stoermer et Crutzen (2000). Une enquête par échanges de courriers électroniques précisant les conditions d’utilisation des échanges au préalable et demandant explicitement l’autorisation de publication a été opérée auprès de l’ensemble des acteurs et notamment tous les membres de l’AWG en anglais et en français en fonction de leur origine. Elle est complétée par des échanges avec les autres acteurs impliqués dans l’enquête. L’analyse des stratégies de publicisation présentée dans cet article s’inscrit dans une analyse plus large réalisée sur la base de corpus hétérogènes, audios, vidéos et textuels à partir de différents moteurs de recherche et d’une veille sur les sites institutionnels. Le corpus de presse écrite est construit à partir des moteurs de recherche Factiva et Europresse avec les mots clés respectivement « anthropocène » et « méghalayen ». Les corpus sont traités à l’aide d’une grille uniforme (Scotto d’Apollonia, 2016a) sur la base des travaux de Painter (2013) (voir corpus 1 et 2).
La spécificité géologique originelle du concept d’Anthropocène
Communément l’origine du concept soit attribuée au prix Nobel de chimie Paul Crutzen (2002) dans un court article publié dans la revue Nature. Cependant cet article faisait suite à un précédent article[5] publié avec le biologiste américain Eugène Stoermer[6] (Crutzen, Stoermer, 2000) dans la newsletter du programme onusien sur la biosphère (International Geosphere-Biosphere Program, Igbp) couvrant la période 1986-2015. Crutzen et Stoermer (2002) définissent l’Anthropocène comme une « époque » sur l’échelle de temps géologique pour objectiver l’impact des activités humaines sur l’écosystème terrestre qu’ils situent initialement vers la fin du XVIIIème siècle[7]. Crutzen (2002, p. 23) introduit une ambigüité en proposant simultanément les termes « époque » et « ère ».
L’Anthropocène existait bien avant les années 2000
Les origines de l’usage du terme « anthropocène » font débat. Stoermer utilisait le terme dans les années 1980 qu’il n’avait cependant pas réellement formalisé avant que Crutzen ne le contacte (Steffen et al., 2011). Dans leur article, ils considèrent qu’il est nécessaire d’introduire un nouveau terme « anthropocène » en précisant les ancrages historiques du concept qu'ils situent dans différents travaux à la fin du XIXème siècle (l'« ère anthropozoïque » d’Antonio Stoppani ou « psychozoic era » de Joseph Le Conte). Or comme le souligne Dominique Raynaud (2018b) l’usage du terme « anthropocène » est antérieur aux années 1980. En effet, le terme « антропогена » a été bel et bien traduit par celui d’« anthropocene » au moins à partir des années 1960 dans les Rapports de l’Académie des sciences. Pour Dominique Raynaud, la raison est simple : l’usage rapproché de « Pliocene », « Holocene » et « Anthropocene » recommandait d’homogénéiser les suffixes.
Un article de Lewis et Maslin (2015, p. 171) tente d’attribuer une occurrence du terme « anthropocène » dès les années 1920. L’ouvrage cité en référence est en fait une traduction des années 1970 du russe vers l'anglais et non une traduction des années 1920 du terme « антропогена » par le terme « anthropocène ». Interrogé sur ces premiers résultats, Jacques Grinevald considère que « l'Anthropogene » des Russes qui s’inscrit dans l’histoire de la guerre froide, n'est pas « l'Anthropocene » de Crutzen[8]. Selon lui, Crutzen et Stoermer n’avaient pas connaissance de la littérature précédente. Stoermer qui ne faisait pas partie du programme de l’Igpb aurait laissé « la main » à Crutzen. Le rôle de Stoermer sur cette question devrait être donc minoré selon Grinevald qui confie lors de l’enquête qu’au sein de l’AWG ces éléments historiques sont discutés.
La proximité lexicale et conceptuelle Anthropogène, Biosphère, Noösphère et Gaïa
Pour mieux cerner conceptuellement l’Anthropocène, il est nécessaire de faire un point sur les travaux mentionnés de la fin du XIXème siècle développés dans les années 1920 notamment par un acteur central le géologue russe Vladimir Vernadsky (1929, 1945). Comme le souligne Florian Charvolin (1993), en créant le concept de Biosphère, Vernadsky posait les bases d’une approche systémique et interdisciplinaire. Sur le plan épistémologique et lexical, l’Anthropocène est effectivement très proche de l’Anthropogène (Gerasimov, 1979)[9] largement utilisé dans la littérature scientifique dès les années 1930 (Raynaud, 2018b). Ces éléments sont identifiés et mentionnés en référence à Tage Nilsson (1983) par l’AWG[10]. La première occurrence du mot « anthropogène » (Raynaud, 2018b) confirme l’origine du terme au début du XXème siècle par la publication d'Alexei Petrovich Pavlov en 1925 dans une revue anthropologique russe. Le Quaternaire ou Anthropogène se situait au rang d'une période.
La spécificité de l’Anthropocène se situe précisément sur le plan géologique car l’idée elle-même n’était donc pas nouvelle (Grinevald, 2012, p. 3). Crutzen et Stoermer ne manquent de rappeler la référence aux travaux de Vernadsky portant sur l’influence humaine sur la Biosphère et ceux du jésuite français Pierre Teilhard de Chardin et du philosophe mathématicien Edouard Le Roy ayant introduit le terme de Noösphere[11].
L’Anthropocène s’inscrit donc dans une longue tradition derrière différentes appellations, relevant de différentes approches conceptuelles aux frontières poreuses. Le contexte politique après la deuxième guerre mondiale et la scission du monde autour des deux blocs soviétiques et américains va avoir des conséquences sur l’évolution de ces différentes approches conceptuelles en donnant naissance à la théorie de Gaïa de James Lovelock et Lynn Margullis (1974). Comme le souligne Grinevald, l’écologiste américain William Clark dirigeait un projet de recherche interdisciplinaire novateur intitulé « Ecologically Sustainable Development of the Biosphere », dans lequel on retrouve James Lovelock et Paul Crutzen.
En dehors des aspects géologiques, la théorie de Gaïa[12] est donc très proche du concept d’Anthropocène. Cette théorie a connu un réel succès et a été largement reprise dans la littérature notamment par Isabelle Stengers (2009), puis par Bruno Latour (2015). En s'appuyant sur une analyse fouillée de sa naissance, Sébastien Dutreuil (2017) déconstruit l'idée portée par certains détracteurs faisant de l’hypothèse Gaïa une proposition pseudo-scientifique. Son analyse vise à démontrer, que l’hypothèse Gaïa tend à structurer le champ émergent des Sciences du Système Terre[13].
Focus sur les principales controverses sur le plan géologique
Cette partie met au jour les principaux points de controverses autour des travaux de l’AWG. La qualification de l’Anthropocène comme temporalité géologique et sa caractérisation sont les points centraux du débat au sein de l’AWG. L’adoption de l’Anthropocène en tant que période géologique doit s’inscrire nécessairement dans un long processus en regard du caractère très hiérarchisé de ces procédures.
La datation du concept est particulièrement controversée, les échelles de temps couvrant un spectre allant de l’ordre du siècle à la dizaine de milliers d’années. Certains auteurs situent les débuts bien avant la création de la machine à vapeur, il y a environ 14 000 ans avec les premiers chasseurs-cueilleurs en Amérique du Nord (De Wever, 2013 ; Smith, 2010). Faisant débuter l’Anthropocène il y environ 8 000 ans, William Ruddiman (2003) considère que l’influence de l’Homme sur le climat commence avec le développement de l’agriculture. L’hypothèse de Ruddiman est controversée, ses détracteurs (Crucifix et al., 2005) lui objectant que l’activité agricole ne peut pas expliquer un forçage anthropique dans les variations de dioxyde de carbone et de méthane. L’AWG a déplacé le curseur initialement positionné au milieu du XIXème siècle vers le milieu du XXème siècle. En effet dans la période d’après guerre, la course à l’armement nucléaire a généré un nombre considérable d’essais en plein air ayant impactés les sols avec des radionucléides facilement identifiables. Ces essais ont conduit à la diffusion mondiale notamment de plutonium et de radiocarbone. L’avantage (sur le plan analytique) de ces signaux repose sur le fait qu’ils vont persister pendant des dizaines de milliers d'années. Cette prise de position est le résultat d’un vote effectué au sein du groupe de travail (AWG, 2016) faisant suite à une publication (Steffen et al., 2016). Après le vote, Erle Ellis (2016) membre de l’AWG a publié un article dans Nature alimentant un peu plus la controverse sur le début de l’Anthropocène. Ellis considère que la formalisation à partir des radionucléides est une erreur et participe à alimenter un discours technocratique occidentalo-centré. Effet rebond, ces prises de positions n’ont pas tardé à faire réagir Zalasiewicz, Waters et Head (2017). Dans leur réponse, les trois auteurs invoquent l’argument d’autorité et leur statut respectif de directeur et secrétaire de l’AWG ainsi que de détenteur de la chair de la Sous-commission de Stratigraphie Quaternaire. Arborant une figure de dénonciation, Zalasiewicz, Waters et Head regrettent que l’AWG ait moins de pouvoir qu’Ellis et ses collègues.
Il existe deux possibilités pour que l’Anthropocène puisse être formalisé par la communauté des géologues. La première option correspond à une datation chiffrée dans le temps, appelée en géologie Stratotype historique (GSSA pour Global Standard Stratigraphic Age). La seconde, surnommée par les géologues « clou d’or », correspond à la définition d’un point de référence dans les strates, appelé Point stratotypique mondial (GSSP pour Global standard Stratotype Section and Point). Stanley Finney et Lucy Edwards critiquent les propositions faites par le groupe de travail. Pour rappel, Finney dirigeait précédemment la Commission Internationale de Stratigraphie. Dans leur article Finney et Edwards (2016) considèrent que les propositions de l’AWG sont irrecevables en se référant à un standard (Salvador, 1994) fournissant les critères spécifiques pour la définition des unités géochronologiques autres que les intervalles de temps représentées par les unités chronostratigraphiques correspondantes.
Alors que les travaux de l’AWG continuent (Steffen et al., 2018), l’Iugs a révisé en juillet 2018 sa charte chronostratigraphique[14] instituant une nouvelle temporalité appelée l'âge du Méghalayen et relançant la controverse (Chun-Hai et al., 2018 ; Maslin et Lewis, 2018a & b ; Voosen, 2018). Ces débats au sein des sciences géologiques ont donné lieu à différentes stratégies de publicisation qu’il s’agit d’analyser.
Analyse des jeux d’acteurs et d’arguments
Afin d’analyser les jeux d’acteurs et d’arguments (Chateauraynaud, 2011), l’enquête se focalise sur les logiques de publicisation de deux évènements parce qu’ils sont emblématiques et révélateurs : (1) la publicisation du 35ème congrès de l’Iugs qui s’est déroulé à Cape Town en Afrique du Sud du 27 août au 4 septembre 2016 et notamment le communiqué de presse publié par l’AWG (2016) la veille et (2) l’actualisation de la charte stratigraphique mentionnée précédemment.
Cherchant à déconfiner autant que faire se peut la controverse en sollicitant un public tiers profane, l’AWG a publié un communiqué de presse[15] la veille des deux interventions[16] de son secrétaire Colin Waters. Ce dernier qui dirigeait précédemment la Commission Internationale de Stratigraphie a proposé la possibilité de formaliser l’Anthropocène comme une temporalité géologique. Stanley Finney[17] a rejeté cette proposition en rappelant quels étaient les critères pour introduire une nouvelle subdivision de l’échelle des temps géologiques auxquels et précisait que le concept n’y répondait pas. Les échanges lors de cette session ont été vécu par certains membres de l’AWG comme un échec, un membre me confiant: « le groupe me semble un peu abattu à la suite du Congrès au Cap ». Pour autant, l’analyse du corpus démontre que les médias ayant couvert l’évènement dans leur grande majorité ont relayé de manière virale le communiqué de presse de l’AWG en occultant le fond du débat et présentant l’Anthropocène comme une nouvelle temporalité géologique. Les deux exemples suivant illustrent parfaitement le propos[18] : « La Terre est-elle entrée dans une nouvelle époque, l'Anthropocène ? »[19], et « L’Humanité est entrée dans une nouvelle ère, l’Anthropocène »[20]. La réponse des détracteurs de l’AWG s’est opérée très rapidement par le truchement de la radio le 30 août 2016 sur les ondes de France Inter et une tribune de Patrick de Wever et Stanley Finney article dans Le Monde[21] publiée le 12 septembre 2016. L’attaque fût sans détour : « c'est comme si un groupe de personnes [AWG] se réunit et décide d'acheter un château avant de s'apercevoir qu’ils n'ont pas l'argent pour acheter le château. » (De Wever, 2016). L’enquête confirme la posture très critique de Finney contre le sérieux de l’AWG : « il semble que l’AWG soit plutôt une entreprise politique que scientifique à moins qu’une proposition en bonne et due forme soit formulée à la Commission internationale de stratigraphie » [librement traduit par l’auteur]. Finney s’étonne que l'AWG ait pu publier de nombreux articles dans des revues majeures et que toutes ses actions et ses articles soient largement rapportés dans les médias publics.
En France, l’océanographe membre de l’AWG, Catherine Jeandel a porté le message visant à déconfiner l’alerte dans l’espace public en soulignant l’urgence de l’action au risque de la simplification des débats. S’en est suivie une phase de neutralisation par une publication dans le magazine scientifique La Recherche en février 2017 dont l’enquête a permis de mettre au jour le fait que le cadrage éditorial était coordonné par Patrick De Wever. Avec Finney, ils rappellent le fait que l’Anthropocène ne corresponde pas aux critères définissant une temporalité géologique, tout en permettant la publication d’une tribune de l’AWG[22]. Les débats sur le plan épistémologique se sont ainsi fixés, les auteurs s’accordant sur le plan axiologique sur la nécessité de coordonner des actions pour enrayer l’impact négatif des activités humaines sur l’environnement. Ainsi le 1er décembre 2017, la Société Géologique de France, le Muséum National d’Histoire Naturelle et le Conservatoire National des Arts et Métiers proposaient avec le soutien de Total, une conférence suivant le thème : « l’Anthropocène : une nouvelle ère géologique ? », avec le géologue, Patrick De Wever, Catherine Jeandel, et l’archéozoologue Jean Denis Vigne. Les débats, à l’image de ceux tenus la veille dans l’émission sur France Inter la Tête au carré étaient caractérisés par un registre concessif limitant l’expression de leur désaccord sur le plan épistémologique pour débattre des aspects plus politiques.
Cet épisode met au jour la volonté de certains géologues de circonscrire leur pratique de recherche à leur propre champ disciplinaire. Ils s’érigent en gardien épistémologique des normes stratigraphiques par l’expression d’une opposition très forte tout en laissant libre les autres acteurs de s’approprier le concept sur le plan politique. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un dialogue interdisciplinaire mais une neutralisation des velléités de pratiquer une véritable interdisciplinarité notamment au sein de l’AWG. Lors de cette émission, les acteurs ne mettent pas de côté leurs divergences mais s’accordent implicitement sur le plan ontologique à discuter des potentialités heuristiques du concept sur le plan axiologique en tant que catégorie de pensée et non en tant que temporalité géologique. Cet élément souligne la pertinence d’analyser ces moments d’effervescence médiatique non pas uniquement sur la matérialité du discours mais véritablement en mettant au jour les stratégies sous-jacentes par l’analyse de l’inter-discours.
La révision de la charte introduisant une nouvelle subdivision des échelles de temps géologiques : le Méghalayen peut être interprétée comme une continuité stratégique de neutraliser les travaux de l’AWG. En effet, l’Iugs a communiqué le 13 juillet 2018 sur sa page Internet[23] et relayée sur ses comptes Facebook et Tweeter[24] l’actualisation. L’écho médiatique a été minimal, quelques rares médias scientifiques (Sciences et Avenir) et quelques journaux (Atlantico, les Echos, Huffpost, Radio-Canada) ont couvert l’information. Ces deux stratégies correspondent à des idéaux types le groupe minoritaire cherche à mobiliser le public le plus large possible y compris les profanes tandis que l’autre cherche à conserver sa position dominante en prenant soin de confiner la controverse à un public de pairs. En mars 2019, des membres de l’AWG ont publié un volumineux document scientifique (Zalasiewicz et al., 2019) dans lequel, l’occurrence « meghalayan » est nulle. En mai 2019, l’AWG sur son site Internet a publié les résultats d’un vote interne[25] rappelant les positions sur les principaux points controversés en mentionnant l’introduction du méghalayen, un édito publié dans Nature (Subramanian, 2019) précisant que l’AWG prépare une proposition pour 2021.
Les migrations conceptuelles de l’Anthropocène
Doux euphémisme, le concept d’Anthropocène a été l’objet d’une migration conceptuelle à marche forcée (Brondizio, 2016) par les sciences sociales sans attendre sa validation par les sciences géologiques. Sur le plan ontologique, il devient difficile de discerner de quoi parle-t-on quand on parle d’Anthropocène tant les régimes discursifs font référence à des registres épistémologiques différents. Considérons en première approximation en faisant référence à l’ouvrage central de Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz (2013)[26], la migration conceptuelle de l’Anthropocène comme un glissement d’une recherche d’objectivation des activités humaines en tant que force tellurique à l’échelle des temps géologiques vers la construction d’un récit prenant en compte une dimension socio-historique distribuant de façon différenciée les responsabilités humaines. L’analyse dans sa grande majorité de la littérature présente le concept comme une théorie validée reposant essentiellement sur des courbes et des équations. Chateauraynaud et Debaz, (2017) considèrent que Bonneuil et Fressoz partent d’une axiomatique simplificatrice et réductrice. L’analyse critique de Bonneuil et Fressoz permet de redonner de la profondeur historique et de l’épaisseur politique au concept d’Anthropocène en redistribuant, contre Dipesh Chakrabarty (2010), de façon pondérée les responsabilités historiques de l’espèce humaine qu’il s’agit de ne pas considérée comme un tout. Cette migration s’est opérée sans prendre en compte la complexité des débats et les tensions internes à l’AWG : « Je l'ai dit plus d'une fois à [X] et à quelques collègues du Centre Alexandre Koyré, qui par ailleurs font de beau travail, mais ils connaissent mal l'ICSU et négligent l'évolution de la science écologique théorique et appliquée» (un membre de l’AWG). Ces tensions résultent d’une part d’oppositions épistémologiques fortement conditionnées par les logiques de champ, c'est-à-dire induites par l’appartenance disciplinaire. D’autre part, elles résultent tout autant d’une différenciation des postures axiologiques concernant les régimes d’actions. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que plusieurs membres de l’AWG emploient le terme au pluriel « anthropocènes » démontrant l’instabilité du concept sur le plan ontologique. Fressoz et Bonneuil (2016 [2013], p. 64) rassemblent ainsi dans une même catégorie les « anthropocénologues » sans que l’on sache leur identité. Cette migration, à marche forcée, orchestrée notamment par Bonneuil et Fressoz intègre une dimension normative explicite ayant comme point d’horizon une critique aux accents marxistes du capitalisme et révèle en ce sens un dessein politique (Saint Martin, 2015) [27]. Cette migration conceptuelle a généré une véritable polyphonie sur le plan ontologique, l’anthropocène est ainsi devenu un concept « hybride ». L’ouvrage de Rémi Beau et Catherine Larrère (2018) suite au colloque en 2015 au Collège de France présente l’ouvrage de Bonneuil et Fressoz comme la référence tout en apportant un peu plus de nuances sur les débats controversés. Un membre de l’AWG me confie qu’il reste : « toujours en peine avec les difficultés du dialogue entre les scientifiques et les humanistes - notamment à propos du livre qui a suivi le colloque de novembre 2015 au Collège de France...où brilla pour moi l'absence des géologues et des évolutionnistes français! » (un membre AWG). Pourtant dans l’introduction issue du colloque, Beau et Larrère considèrent que : « Par sa définition même, l’Anthropocène semble se soustraire aux partages disciplinaires, et en particulier au grand partage entre les sciences de l’homme et les sciences de la nature » (Beau, Larrère, 2018). Effectivement comme le rappelait Pierre Charbonnier (2015) la controverse porte sur une redéfinition du concept d’Anthropocène dans le sens où l’avènement d’une nouvelle séquence temporelle s’opère à la fois sur les plans géologique et historique. Jacques Grinevald considère qu’il existe : « une ambivalence cognitive et émotionnelle du succès d’une nouvelle catégorie qui ressemble à un hopeful "monster" conceptuel peut-être prometteur, mais aussi mal accueilli que la révolution copernicienne, la révolution darwinienne, la révolution carnotienne et la révolution vernadskienne ! ».
Reinhold Leinfelder de l’Université de Berlin membre de l’AWG lors de l’enquête distingue trois niveaux : (1) le premier niveau est celui du système terrestre interrogeant l’hypothèse de l’impact de l'humanité sur ce système terrestre (climat, océans, utilisation des sols, eau douce, schémas de sédimentation, cycles biogéochimiques, etc.) et le fait que le système terrestre actuel et futur soit potentiellement différent du système holocène. (2) Le second niveau est celui de la géo-signature permettant ainsi de définir une nouvelle époque géologique. (3) Le troisième niveau est celui de la responsabilité sociale qu’il définit comme un méta-niveau. Il est donc possible de caractériser plus précisément cette migration conceptuelle qui s’est effectuée des deux premiers niveaux vers le troisième. Autrement-dit, la migration se traduit par un glissement du débat de la recherche de marqueurs stratigraphiques cherchant à objectiver la caractérisation d’une nouvelle période géologique vers un usage conceptuel visant à redéfinir les catégories de pensées : une philosophie de la nature. Ces catégories de pensées portent sur les risques liés aux impacts des activités humaines sur le climat et l’environnement. Sur le plan analytique, il convient donc de distinguer les trois plans de controverses : sa pluralité sémantique sur le plan ontologique, les oppositions épistémologiques et les registres normatifs plus ou moins explicites auxquels les auteurs font référence. Ainsi les registres discursifs des ouvrages en sciences sociales tendent à gommer les aspects controversés sur les plans ontologique et épistémologique d’autant plus aisément qu’ils sont porteurs d’un message normatif et militant dénonçant le capitalisme. Ce déplacement conceptuel dans le champ des sciences sociales a ouvert de multiples fronts de controverses. Chateauraynaud et Debaz (2017) considèrent que les « collapsologues » ont une représentation de la réalité tronquée et renouent avec la théorie de la fausse conscience. Andréas Malm (2017) ouvre un espace critique supplémentaire et invite à questionner à front renversé le caractère potentiellement contre-productif du concept sur les plans politique et épistémologique. Derrière la « bataille » de l’Anthropocène se dessine des luttes de pouvoir symbolique interne aux sciences sociales, les auteurs en position de domination n’auront de cesse de considérer qu’il est inutile d’ouvrir les boites noires latourienne de la science.
Conclusion
Cet article tend à apporter un éclairage analytique visant à mieux s’orienter dans les nombreux débats autour de l’Anthropocène dont les origines sont antérieures à l’article de Stoermer et Crutzen en 2000 et qui reposent sur des bases épistémologiques controversées sur le plan géologique : sa caractérisation et sa datation posant des problèmes au regard des normes de la Commission Internationale de Stratigraphie. Ces principaux points de controverses sur le plan géologique illustrent les divergences paradigmatiques profondes entre le champ émergent des sciences du système Terre et celui solidement structuré des sciences géologiques. Bien qu’appartenant à l’Iugs, l’approche écosystémique développée par le groupe interdisciplinaire AWG relève des Sciences du Système Terre et se heurte aux normes stratigraphiques garantissant la continuité et la cohérence des recherches sur les échelles de temps géologiques. Ces difficultés de structuration du champ des Sciences du Système Terre qui n’ont rien de nouveau. En effet, dans les années 1990, Florian Charvolin (1993) soulignait que l’approche vernadskienne permettait de comprendre les raisons de la controverse sur les pratiques de l’interdisciplinarité des « sciences du global ». Sans réelle clarification de ce flottement épistémologique, la migration conceptuelle de l’Anthropocène dans le champ des sciences sociales s’est opérée sans une prise en compte de la complexité des débats. Ce flou épistémologique lui a permis d’acquérir une grande plasticité révélatrice de sa nature hybride et explique sa grande labilité dans les différents champs et sans doute une grande partie de son succès. Il reste à interroger les aspects normatifs plus ou moins implicites, certains acteurs s’emparant et (re)politisant le concept à des fins de dénonciation du système capitaliste contrairement à d’autres perpétuant une vision moderniste d’une science porteuse de progrès social. On retrouve cette polarisation normative au sein même de l’AWG. Le succès de l’Anthropocène dans le monde académique et désormais social met en lumière les difficultés récurrentes des sciences en société qui se traduisent par le besoin de renouvellement de nos catégories de pensée face à l’« urgence écologique ». Les difficultés de régulation de l’expertise scientifique au sens de Roqueplo (1997) n’ont pourtant rien de nouveau[28]. La traduction des savoirs scientifiques soumis à des incertitudes et emprunts de controverses en vue d’alimenter le débat démocratique et les décisions politiques se heurte à la structuration très moderniste des rapports sciences-sociétés avec comme point d’horizon les débats autour du principe de précaution. Aussi il apparait nécessaire de nourrir la réflexion sur le plan éthique en questionnant les limites des modèles habermassien de l’éthique communicationnelle et jonassien du principe de responsabilité. La multiplication des problématiques environnementales pose un véritable défi à la recherche quant à sa capacité à construire un cadre de référence théorique véritablement interdisciplinaire dès lors qu’il s’agit de questionner et d’accompagner l’agir environnemental. Sur le plan de nos pratiques de recherche, l’interdisciplinarité pour qu’elle puisse faire œuvre de science, exige un effort de réflexivité afin d’éviter l’écueil des axiomatiques simplificatrices (Chateauraynaud, Debaz, 2017, p. 174) en prenant en compte les controverses dans leurs matérialités ontologique, épistémologique, sociale, politique, économique, morale et éthique. Il ne s’agit donc pas de dépasser les controverses mais de les considérer comme un marqueur pertinent du dialogue interdisciplinaire. Les controverses autour de l’Anthropocène témoignent d’une dynamique interdisciplinaire très vive et heuristiquement indépendamment de certaines incommensurabilités paradigmatiques mises au jour dans cet article. En ce sens, ces résultats nous invitent à ouvrir le vaste chantier d’une praxis de l’Anthropocène.
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[1] Lionel Scotto d’Apollonia développe des recherches sur les controverses socioscientifiques telles que le climat ou l’Anthropocène. Il pilote de plus des projets en recherche action participative d’accompagnement des politiques publiques sur les questions socioenvironnementales : https://parcs.hypotheses.org/.
[2] Ce programme onusien a été clôturé en 2015 : Lien consulté le 23 août 2019 : http://www.igbp.net/
[3] L’AWG est l’un des quatre groupes de travail au sein de la Sous-commission de Stratigraphie du Quaternaire (Subcommission on Quaternary Stratigraphy). Le groupe est dirigé par Zalasiewicz qui a composé autour de lui une équipe de 34 membres à la fois issus des sciences dites dures et des sciences humaines sociales.
[4] La veille internaliste consiste à développer une analyse de la nature des sciences par l’objectivation des oppositions dans les revues scientifiques à comité de lecture.
[5] Le ratio de citations de l'article publié dans Nature (611 fois[5]) par rapport à celui cosigné avec Stoermer (12 fois[5]) est très asymétrique (résultats provenant de web of science 8 octobre 2016).
[6] Stoermer est décédé en 2012.
[7] Commentant l’article de Crutzen (2002), Grinevald considère que faire débuter l’Anthropocène avec le brevet de la machine à vapeur : « pour un historien cela ne tient pas la route, pour un historien des techniques c’est presque une stupidité, c’est anachronisme, une machine à vapeur ne fait pas plus la révolution industrielle, pas plus qu’une hirondelle fait le printemps ».
Lien consulté le 10 décembre 2016 : http://humanitesenvironnementales.fr/fr/les-ressources/les-grands-entretiens?page=2#prettyPhoto/0/
[8] L’article de Crutzen de 2002 est en fait très court et se limite à justifier la nécessité d’introduire ce nouveau concept sans pour autant étayer pleinement son propos.
[9] Le terme anthropogène en tant que substitut du terme «quaternaire» est suivant l’auteur objet de controverses sur la durée de l’anthropogène et des principes de sa subdivision. L’anthropogène est considéré comme l'étude de l'interaction de l'environnement naturel et de ses changements avec le développement de l'homme et de la société préhistorique et non pas comme subdivision stratigraphique.
[10] Lien consulté le 10 mai 2017 : https://quaternary.stratigraphy.org/workinggroups/anthropocene/
[11] Theilhard de Chardin, Leroy et Vernadsky durant son séjour parisien dans les années 1920, ont été inspirés par la philosophie d’Henri Bergson (1907). Dans L’évolution créatrice, Bergson propose de démontrer que la Nature ne cesse de se réinventer constamment, en s’appuyant sur le fait que la métaphysique traditionnelle attribuant une finalité à l’évolution et la science moderne sont les deux faces d’une même pièce, véhiculant l’idée de l'existence d'un déterminisme naturel.
[12] Le terme Gaïa vise à nommer et penser l’ensemble des écosystèmes de la planète Terre considérée comme un être vivant à part entière.
[13] Sa thèse tend à démontrer que Gaïa est considérée tantôt comme une hypothèse, tantôt comme une théorie, tantôt comme un programme de recherche, tantôt comme une philosophie de la nature. L’examen épistémologique et historique permet de mettre au jour ses linéaments scientifiques permettant de la considérer comme une théorie élaborée.
[14] Voir : http://stratigraphy.org/ICSchart/ChronostratChart2018-07.pdf
[15] Lien consulté le 13 octobre 2018 : https://www2.le.ac.uk/offices/press/press-releases/2016/august/media-note-anthropocene-working-group-AWG
[16]Résumés des deux interventions consultables le 23 aout 2019 sur le lien suivant : https://www.americangeosciences.org/igc/15775
https://www.americangeosciences.org/igc/15066
[17]Résumé de la réponse consultable le 23 aout 2019 sur le lien suivant : https://www.americangeosciences.org/igc/14830
[18] L’analyse plus détaillée permet de mettre au jour certaines nuances à la marge, le journal La Croix couvrant parfaitement l’évènement alors que les autres grands quotidiens ont occulté l’évènement, la fin du mois d’août pouvant potentiellement expliquer cela.
[19] Auteur non renseigné (demande faite auprès du journal), « La Terre est-elle entrée dans une nouvelle époque, l'Anthropocène ? », Ouest France, 29 août 2016.
[20] D. Charlet : « L’Humanité est entrée dans une nouvelle ère, l’Anthropocène », Direct Matin, 29 août 2016.
[21]Article consultable le 26 aout 2019 sur le lien suivant : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/12/anthropocene-sujet-geologique-ou-societal_4996574_1650684.html
[22] Sur le plan réflexif il semble que ce soit l’enquête qui ait eu pour effet la publication de la tribune de l’AWG, ce qui illustre les difficultés liées à la posture d’immersion dans la controverse.
[23] Lien consulté le 13 octobre 2018 : http://iugs.org/uploads/E-Bulletin/IUGS-E-bulletin-June-143.pdf
[24] Pages Facebook et Tweeter consultées le 13 octobre 2018 sur le lien suivant : https://www.facebook.com/iugspage/photos/a.765291843610757/1604666309673302/?type=3&theater
[25]Lien consultable le 26 août 2019 : http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/
[26] A partir du mot clé « anthropocène », i.e. en langue française, l’ouvrage de Bonneuil et Fressoz est le plus cité sur Google Scholar : 1 (Bonneuil, Fressoz, 2013) cité 323 fois - 2 (Lorius, Carpentier, 2013) cité 59 fois - 3 (Sinaï, 2013) cité 37 fois - 4 (Crutzen, 2007) cité 15 fois - 5 (Grinevald, 2012) cité 13 fois, 6 (Fressoz, Bonneuil, 2016) cité 13 fois - 7 (Beau, Larrère, 2018) cité 11 fois. Résultats actualisés du 18 août 2019.
Les résultats avec le mot clé « anthropocene » sont un peu différents : 1 (Crutzen, 2006) cité 3757 fois - 2 (Steffen et al., 2015) cité 2389 fois - 3 (Dirzo, Raven, 2003) cité 1449 - 4 (Steffen et al., 2007) cité 1373 fois - 5 (Lewis, Maslin, 2015) cité 1081 - 6 (Harraway, 2015) cité 764 fois - 7 (Bonneuil, Fressoz, 2013) cité 324 fois.
[27] Dans sa recension de l’ouvrage Arnaud Saint Martin note que dans leur volonté de « résister à la tentation d’homogénéiser à l’échelle d’une inscrutable et abstraite "espèce humaine" », Bonneuil et Fressoz : « ne font pourtant que cela ».
[28] L’affaire des pluies acides est en ce sens similaire au cas du climat ou de l’Anthropocène. Pour rappel, l’action nécrosante de l’ozone formé à cause des rejets industriels atmosphériques était considérée à tort comme la cause majeure du dépérissement des forêts (Roqueplo, 1993, p. 21).